Remplaçante |
Lundi 2 octobre 2000 J'ai la chance cette année d'avoir été nommée "titulaire remplaçante". Je dis "chance" et ce n'est pas ici ironique, contrairement à ce que pourraient croire la majorité des personnes qui, lorsque je leur annonce la nouvelle, affichent un sourire compatissant du genre "ah ma pauvre !". C'est vrai que c'est une sale façon d'employer un professeur (qui a peiné dur pour arriver là où il est) que de le reléguer à une abjecte fonction de bouche-trou, en tirant parti sur l'élasticité de la fonction qu'on lui exige. Mais il y a forcément des exceptions en toute chose. Comme mon titre ne l'indique pas, j'en suis une. Pour plusieurs raisons. La première raison est que j'ai un poste presque fixe dans un lycée sympa. Je remplis la seconde moitié du mi-temps d'un professeur qui a été gravement malade. J'ai donc la moitié de mon service assuré par des classes que je vais suivre toute l'année. L'autre moitié va être comblée par des activités annexes - essentiellement, je l'espère, des cours de soutien. Mais, jusqu'à maintenant, j'assurais un service complet : le congé maladie du professeur que je remplace n'étant pas encore terminé, j'avais en charge sa classe de Littéraires. C'était aujourd'hui mon dernier cours avec eux : leur professeur revient demain. Pendant un mois, nous avons grandi ensemble, nous voyant huit heures par semaine, presque tous les jours (sauf le week-end, il ne faut pas abuser !). C'est une classe presque inédite : sympathique, intéressée, relativement cultivée, respectueuse et travailleuse. Au vue de la maigre expérience que j'avais, j'étais persuadée que cette espèce là n'existait pas ! Cette classe m'a rendu le plaisir d'enseigner - le plaisir de sentir que j'ai servi à quelque chose, celui de savoir que mon enseignement a intellectuellement et humainement un sens. Certains de ces élèves voudraient devenir eux-mêmes professeurs. Peut-être est-ce pour cela que je me suis sentie d'emblée respectée et écoutée, sans avoir à justifier le bien-fondé sinon de ma présence, du moins de ma fonction, comme il faut le faire dans d'autres classes. J'étais un peu triste de les voir partir aujourd'hui, d'avoir à les confier à d'autres mains que les miennes. C'est bête, mais c'est la classe à laquelle je m'étais le plus attachée, celle avec qui je me donnais le droit d'avoir les plus grands projets. Mais c'est comme ça... je ne suis que remplaçante... ![]() J'ai reçu hier un message d'une personne me posant quelques questions pour le site Psychonet. J'ai un peu hésité à répondre. D'abord parce que parler de moi m'intimide (je sais, c'est paradoxal de dire cela quand on écrit son journal intime sur Internet, mais ce n'est pas la même démarche). Ensuite parce que les discours psychologisants mi freudiens mi "air du temps" me rendent très méfiante. Mais j'ai répondu quand même, peut-être par orgueil d'avoir pour une fois été interviewée, car cela ne m'était jamais arrivé jusqu'à maintenant. Je ne sais pas ce que cela va donner, mais, si cela ne donne rien, et si malgré tout cela vous intéresse, vous pouvez toujours lire ici les quelques réponses (insatisfaisantes à mon goût) que j'ai pu donner... |