Une vie de chat



pour m'écrire


















































































hier demain
Samedi 23 septembre 2000

Mes week-end à la campagne sont rarement reposants. Ils ne le sont même jamais. A chaque fois que je décide de partir il me faut me jeter sur ma bête noire pour tenter de l'attraper et la mettre dans sa boite de voyage. Un chat - animal par définition épris de liberté et d'indépendance - n'aime pas être enfermé dans une boite de 40 cm² à peine. Oui, certes, je vous l'accorde, on comprend bien pourquoi. Et puis la pauvre bête n'a pas choisi d'être ainsi trimballée dans tous les sens, et elle a bien raison de se révolter contre les migrations de sa maîtresse, etc... Vous pourriez lui trouver mille excuses, c'est vrai. Mais ce n'est pas vous qui courrez dans toute la maison (d'accord, c'est petit chez moi...) pour attraper le minou. Son endroit préféré est le canapé. C'est la cachette idéale. Il m'est impossible, malgré ma souplesse, de l'attraper lorsqu'elle s'y réfugie. Donc elle ne manque pas d'y tenir ses quartiers dès qu'elle me voit préparer mes bagages. Lorsqu'il est définitivement temps de partir et que Mademoiselle s'est définitivement installée sous le sofa, il ne me reste plus que deux solutions si je veux espérer partir avant la nuit :

a) user la force (et prendre le risque de mourir au combat)
b) user l'intelligence (et prouver que la femme est plus intelligente que l'animal)

La solution a) serait la plus rapide et la plus radicale si elle pouvait espérer offrir des résultats positifs. Il suffit de tendre les bras sous le canapé, d'attraper tout ce qui bouge et de tirer de toutes ses forces. Généralement lorsqu'on ressort ses mains, quelques instants après, il n'y a pas de chat, mais seulement de petites gouttes de sang (le mien... pas le sien !). Cette solution est donc réservée aux cas d'extrême urgence (on est garé en double file et on a repéré les policiers qui traînaient dans le quartier, donc on est pressé de partir), ou bien à ceux qui sont masochistes.

La solution b) est bien plus astucieuse. Elle consiste à faire mine que finalement on a renoncé à partir en voiture. On range le panier à chat et on fait semblant de s'occuper d'autres choses. Au bout de 10 min, le chat sort une patte. C'est là qu'on saisit le moment pour sortir l'argument le plus convainquant qui soit : la boite de croquettes. Hannah connaît bien le bruit des granulés de viande que je fais remuer au fond de leur boite à chaque fois que je lui donne à manger (soit plus de quatre fois par jour... j'ai un chat boulimique). L'appel du ventre est toujours le plus perçant, semblable à celui des sirènes pour les marins, ou à celui de la sonnerie de la récréation pour les Poulpes. La petite minette qui soudain semble avoir la mémoire bien courte sort toute guillerette de son fort et c'est alors un jeu d'enfant pour moi que de la cueillir.

Ces jours là, qu'est-ce que je me sens intelligente...

Mais les efforts ne font que commencer. Une fois arrivée dans la maison de campagne, il me faut restée bien éveillée. Hannah n'a qu'une idée : partir. Et moi je n'ai qu'une idée : la retenir. En effet, il y a devant la maison un petit jardin qui, pour la chatte, est un véritable champ d'exploration. Elle adore y courir, chassant mouches et lézards (à l'occasion les souris, mais ce n'est jamais bien concluant), se roulant dans l'allée chauffée par le soleil, machant des brins d'herbe. Moi, j'adore la voir s'amuser ainsi. Seulement le jardin est forcément trop petit pour elle. Alors elle essaie par tous les moyens de me fausser compagnie et de sauter la haie pour aller chez le voisin. Mais l'autre côté de la haie est un terrain miné. Le voisin a été surnommé par ma famille, il y a plusieurs années, le "Méchant Edgar", en référence au vilain monsieur des Aristochats de Walt Disney : nous n'avons pas de preuves, mais nous l'avons toujours soupçonné d'avoir estropié à vie le prédécesseur d'Hannah (une petite Minette toute blanche qui m'a accompagné pendant toute mon enfance). Bref, il est donc formellement interdit à Hannah de partir chez le voisin. Mais, bien entendu, son esprit d'aventure est toujours plus fort, et elle ne cesse de vouloir partir quand même dans la zone dangereuse. Alors je passe mes samedis et dimanches à la surveiller, courant après elle, un oeil sur la prisonnière, un autre sur mon livre. En général, au bout de trois heures, j'ai à peine lu trois pages, et ai dû au moins une fois sortir la boite de croquettes pour la faire sortir de la haie qu'elle a réussi à franchir malgré ma vigilance.

Alors c'est sûr, lorsque je reviens le dimanche soir, je n'ai plus qu'une envie : me reposer tranquillement !

Heureusement, mon minou, qui lui non plus n'a pas dormi de toute la journée, est exténuée. A peine arrivée, elle s'écroule sur le canapé (oui, cette fois-ci dessus), et ne bouge pas d'un poil pendant presque trois jours. Je peux être sûre d'avoir la paix au moins jusqu'au mercredi.

Elle dors en boule, ou bien allongée sur le flanc, les quatre pattes en l'air, comme sur la photo. J'entends son souffle ralenti, et sens parfois quand je m'approche ses moustaches bouger, inquiétées par un mauvais rêves de souris rebelles. Je vous défie de pouvoir distinguer, sur la photo, la tête d'Hannah de sa queue. Moi-même je n'y arrive pas !

Y'a pas à dire, y'en a qui ont la belle vie...