Migration de printemps



pour m'écrire



































































































hier demain
Jeudi 3 mai 2001

C'est le silence radio du côté de la demoiselle d'Evaville, vous dites-vous, n'est-ce pas ? C'est que j'ai une bonne excuse : je n'habite quasiment plus chez moi. Non, ne montez pas sur vos grands chevaux ! Ce n'est pas que j'ai rencontré un beau Monsieur qui m'aurait kidnappé chez lui. Non, non. Oh, combien non ! C'est tout simplement qu'avec le printemps, j'ai émigré. Exactement comme les cigognes.

Mes parents ont une petite maison de famille à quelques kilomètres d'Evaville. Il n'y a rien de spécial : pas de piscine, pas de quartier animé et à la mode, même pas d'amis. Mais une petite maison, dans un petit village d'à peine une dizaine d'habitants, loin de tout et de tous. Seulement dans cette maison, il y a une grande partie de mes souvenirs d'enfant. J'y ai passé une vingtaine d'étés. Des étés qui tous m'ont donné de grands bols d'air pour m'aider à affronter les mois d'hiver. A six ans, je faisais la compétition avec les gerbes de blé des champs, mesurant chaque épis pour savoir lequel de nous deux était le plus grand et le plus doré. A dix ans, je m'amusais à explorer les chemins avec mon vélo rouge pour savoir s'ils avaient un but ou s'ils allaient bel et bien jusqu'à l'infini. A treize ans, je découvrais avec mes copines-complices en vacances, comme moi, combien l'entrée dans l'adolescence était remplie de tourments insoupçonnés. A dix-huit ans, je me lassais de de cette campagne toujours identique à elle-même, année après année, avant d'y revenir avec nostalgie et assurance quelques années plus tard. Dans chaque pièce de cette vieille maison, dans chaque chemin de ce petit village, il y a un souvenir qui sommeille et qui n'attend que moi pour le réveiller et m'y réveiller.

Alors voilà, comme le mois de mai est plein de jours fériés et que mon emploi du temps est comme un gruyère mangé par une petite souris, c'est là bas que je vis en ce moment. Cela rajoute à peine de vingt kilomètres ma route pour aller au lycée. Il suffit juste de se lever un peu plus tôt le matin. Un peu de sommeil en moins le matin, ce n'est rien contre la promesse d'une maison de vacances pour moi toute seule. S'il ne pleuvait pas tous les jours et si le ciel n'était pas si gris, j'en viendrais même à croire que je suis résolument en été, loin de toute contrainte.

Toutefois, le problème, c'est qu'il est quasiment impossible de se concentrer dans ces conditions.

Hier, je suis restée toute la journée allongée dans l'herbe, devant mon bouquin de cours, sans pouvoir lire un seul paragraphe en entier. J'étais sans cesse dérangée par les pâquerettes qui me narguaient, demandant que je les effeuille...
... ou bien le chien des voisins venait me lécher le bout du nez et m'incitait à grands coups de caresses à venir faire avec lui une grande ballade dans les champs...

... quand ce n'était pas mon matou qui décidait de se faire la belle en montant sur le toit, pour aller jeter un coup d'oeil dans le jardin d'à côté...

...mais qui, en pleine exploration restait coincée sur les tuiles, sans savoir comment descendre et retrouver la terre ferme, exigeant par conséquent que je vienne la chercher avec l'échelle...

Bref, je vis en dehors de toute réalité, dans un autre lieu, dans un autre temps. C'est même à se demander comment je fais pour revenir sur terre, dans la vraie vie, avec les vrais gens (et, hélas, les vrais Poulpes). Oui, c'est à se demander comment je fais... Mais c'est à chercher en vain une réponse, car j'évite soigneusement toute pensée de la réalité... Je me demande au fond si c'est une bonne ou une mauvaise chose...



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Ce que je lis en ce moment : rien !
Ce que j'écoute : de vieux disques
Ma lassitude du jour : la pensée d'aller en cours demain matin, alors que ça fait des jours que je n'ai pas bossé
Ma question du jour : vais-je définitivement déménager à la campagne ?
Mon remerciement du jour : à tous les lecteurs qui m'ont envoyé un petit mot
(pardon si je ne réponds pas promptement, mais je n'ai pas d'ordinateur dans ma campagne)