La fille d'Avril |
Mardi 16 avril 2002
Il y a l'odeur humide du bitume tiède soudain refroidi par une courte averse de printemps. Parfum d'étés. Les éternels étés qui s'étendaient dans la pelouse séchée par le soleil, le long de l'allée qui traversait le jardin pour aller jusqu'à la maison. Là bas. Chez moi, dans mon jardin. Mon jardin d'enfance. Il y a le gazon fraîchement tondu soudain rejaillissant entre mes narines. Et au loin le bruit du moteur de la tondeuse. D'une tondeuse. N'importe laquelle. Celle d'un voisin éloigné que je ne connais même pas, alors que la sonorité de son engin m'est si familière. Odeur inscrite dans ma mémoire et qui revient comme ça, d'un coup, un jour de printemps, alors que je ne m'y attendais pas.
Il y a le jour qui est levé le premier. Bien avant moi. Mais pas encore assez proche de mes insomnies. Le jour entre les rideaux qui crie que rester au lit est un blasphème. Un sacrilège à la journée qui commence dans la solennité des aurores encore un peu embrouillées dans la brume du froid de la nuit. Mais moi, impie, qui commets les pires outrages aux matins paresseux du printemps. Il y a tout cela sur le fil d'avril qui vient me faire marcher comme un funambule entre l'hiver et l'été, entre les blessures et les rêves, entre la gravité et la légèreté. Et puis il y a moi aussi. Moi, la fille d'avril. La fille difficile. Qui ne veut pas découvrir d'un fil tout ce qu'elle a. Ni son coeur, ni son corps. C'est comme ça. Moi derrière mes mots. Les mots qui me cachent en me révélant. Les mots qui ne veulent pas découvrir tout ce qu'il y a derrière eux. Et qui dissimulent leur vérité derrière leurs regards bleus observant tout sans se laisser pourtant trahir. La fille d'avril. Qui ne soulève pas le coin de ses jupes et qui garde son manteau. De peur peut-être de laisser échapper, entre les fils, des émotions qui ne pourraient s'empêcher de se découdre. P.S. : Merci à Laurent Voulzy d'avoir écrite cette chanson pour moi (car je ne peux douter qu'elle ait pu être écrite pour une autre fille que moi).
Il y a un an.
Il y a deux ans. |