Dictionnaire
des idées
reçues




pour m'écrire































































































hier demain
Jeudi 13 juin 2002

Il y a un petit bouquin qui est génial, c'est le Dictionnaire des idées reçues de Flaubert. Après l'avoir mise en scène dans Bouvard et Pécuchet, Flaubert s'attaque à la bêtise à l'état brut en essayant d'en énumérer le vocabulaire le plus représentatif. Dans ce petit texte, il essaie de lister toutes les phrases bateau que répètent les gens, avec une complaisance même pas feinte. C'est un peu un projet masochiste que celui du bon vieux Gustave : consigner toutes ces phrases qu'on déteste et que pourtant on entend sans cesse autour de soi. Le but, c'est de montrer que la Bêtise est là - qu'elle nous guette, chacun d'entre nous et qu'il faut la reconnaître pour pouvoir y résister.

J'avais envie d'esquisser une version moderne de ce Dictionnaire - une version purement évaesque. Aujourd'hui, la Bêtise ne vient plus des Bourgeois fustigés par Flaubert, mais elle s'étalle à la télévision ou au Café du Commerce - et même dans les cours de récréation. Elle me donne des frissons de colère à chaque fois que je la vois reprendre la parole. Je voulais ainsi proposer quelques définitions (purement subjectives) des mots les plus courants qu'elle utilise...

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BACCALAUREAT - Le donner à tout le monde et s’enorgueillir de ce que les jeunes d’aujourd’hui sont plus intelligents que les jeunes d’hier.

BEBES PHOQUES - Se mobiliser avec hargne et enthousiasme pour leur protection. En vouloir à ceux qui osent s’occuper des SDF qui crèvent dans les rues avant de penser à ces adorables-petits-animaux-si-trognons-avec-leurs-petits-yeux-admiratifs.

BLEUS (les) - Avant leur défaite : Crier dans la rue, dans un élan d’enthousiasme débridé, qu’ils sont champions du monde quoi qu’il arrive. Si tout de même l’équipe de France de football perd tous ses matchs, clamer que ce sont les joueurs d’Uruguay qui sont vicieux, ou encore que ce sont les marabous sénégalais qui ont porté la poisse. Il est de bon ton aussi de faire des allusions attristés à la cuisse gauche de Zizou.
Après le retour forcé à Roissy-Charles-de-Gaulle : Prendre un air contris et un peu honteux. Surtout éviter toute allusion franche à la question, de peur de remuer de façon trop douloureuse le coûteau dans la plaie.

CELEBRE - Faire tout pour le devenir (la meilleure façon étant de passer à la télé, bien évidemment)

DIARISTES - Ne surtout pas les juger. S’extasier devant les fautes d’orthographes de certains et la platitude de leurs propos en prétendant que c’est la créativité qui s’exprime et qu’il faut lui donner libre cours pour ne pas bafouer la liberté d’expression.

ETE - « Il n’y a plus de saison, ma bonne dame ! ».

FASCHOS - En voir de tous côtés et être terrifiés par eux. Aller manifester contre eux le 1er mai, mais oublier complètement un mois après qu’ils peuvent représenter un quelconque danger et préférer regarder le football sur TF1.

FOOTBALL - « C’est fantastique ces énergies populaires qui s’expriment ! Le foot, c’est un condensé de la vie ! »

HIVER - « Y’a plus de saison, mon bon monsieur ! »

INSECURITE - Prononcer ce mot dans chaque phrase dès que l’on parle de politique. Taper du poing sur la table en s’exclamant : « il est temps de remettre de l’ordre en France ! »

INTELLECTUELS - S’en méfier parce qu’ils osent critiquer les trois pilliers de la démocratie (Egalité, Foot et Loft) et prétendre que tout ne se vaut pas.

LOFT-STORY - Hausser les épaules et prendre un regard méprisant en soufflant que « c’est de la merde ». Mais être tous les jeudis soirs collé devant son téléviseur pour savoir si c’est cette pétasse d’Angela qui va sortir ou bien cette conne de Lesly.

MAI 68 - Regarder d’un sale oeil les ex-hippies devenus parents et avouer franchement que c’est à cause d’eux que la France est dans un tel marasme aujourd’hui.

PHILOSOPHIE (épreuve de - au bac) - Conseiller à ses cadets de ne rien faire en cours parce que « de toute façon qu’on travaille ou pas, on aura 6, puisque ça dépend du correcteur et que s’il est pas d’accord avec toi il te saque ».

PROFS - « De quoi ils se plaignent ? Ils sont toujours en vacances, les nantis ! » Prononcer cette phrase en ricanant pour cacher le relant d’admiration craintive que le souvenir des anciens maîtres inspire.

RELATIVISME - S’y vautrer.

VOTER - Ne pas voter. Grogner que « les politiques, ce sont tous les mêmes et qu’ils n’écoutent pas les Français ». Etre outré en apprenant qu’ils se déplacent en Safrane conduite par un chauffeur (mais par contre ne pas trouver scandaleux que Laurent Petit et Marcel Dessaigny gagnent chacun des millions par mois)

ZIDANE (Zinedine) - Se pamer devant son petit air timide si l’on est une femme. Le considérer comme un héros national si l’on est un homme. L’attendre comme le Messie dans tous les cas.

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Ce dictionnaire est ouvert et inachevé. Vous avez des idées pour le compléter ?

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