J'ai un problème avec moi-même. Pas avec les autres, mais bien avec moi-même. Je n'arrive pas à croire que quiconque puisse m'apprécier, vouloir chercher ma compagnie et même m'aimer. Cela me semble impossible, pire incongru, absurde, ridicule. Quoi ! quelqu'un pourrait aimer être avec moi ? Je pourrais avoir de la valeur pour un autre regard que le mien ? Non, ce n'est pas même envisageable !C'est ce dont je suis intimement convaincue. Ce n'est pas que je pense que personne ne m'aime et que je joue les pauvres adolescentes torturées rejetées de la société. Non, c'est plus subtile. Je peux me représenter abstraitement les sentiments que mes amis peuvent avoir à mon égard, je peux l'envisager objectivement et rationnellement. Mais cela ne dépasse pas la ligne claire et figée de la raison. Au fond de moi, je suis persuadée qu'il m'est impossible de susciter un réel intérêt dans le coeur d'autrui. Il y a les preuves, les témoignages, tous ces gestes et ces mots qui montrent que je compte pour quelqu'un d'autre que moi. Il y a les amis qui sont là quand je les appelle. Il y a même parfois cette admiration que l'on semble avoir à mon égard. Mais rien n'y change. Je ne crois pas en tout cela. Je doute sans cesse de ce que je suis et de ce que je vaux. Lorsque j'entr'aperçois un tel signe d'amitié et de reconnaissance, voire d'amour dans un regard extérieur, je m'imagine aussitôt que c'est quelqu'un d'autre que moi que l'on aime, que c'est une image que je renvoie qui a séduit, et non pas moi-même. Toutes les images sont fallacieuses, trompeuses et viennent doubler une réalité en la cachant. Ce n'est pas moi qu'on peut aimer, c'est mon double, ce reflet lisse et pale qu'un regard trop rapide se contente de voir de moi-même. Le sentiment que je suscite chez autrui ne peut que décroître. Il y aura déception, je le sais, au moment où l'autre s'apercevra de ce que je suis vraiment et saura voir derrière les apparences. Peut-être est-ce pour cela que j'ai si peur de me dévoiler. Je crains que l'on sache de moi cette terrible vérité qui est pour moi comme une sentence indiscutable : que je ne suis pas aimable - au sens classique du terme : digne d'être aimée. Je vis en luttant contre cette irréductible conviction. Je cherche à me persuader de ce à quoi je ne parviens pas à croire : ma propre valeur.
En ce moment, pourtant, il m'arrive des choses plutôt bien. Je sens ma vie qui change, qui avance, qui sort de ce cercle dans lequel elle avait été enfermée si longtemps. Après ces derniers jours d'août et ce début septembre si difficiles, mon horizon semble enfin s'éclairer et laisser entrevoir au loin une ligne d'espoirs. Je me surprends même à penser que peut-être Veupasyalléville porte bien mal son nom finalement. Il y a tous ces nouveaux visages que je rencontre, ses visages qui me sourient en me lançant des invitations. Il y a ces Poulpes incroyablement calmes et polis qui, pour la première fois, semblent enfin me considérer comme une vraie prof. Il y a cette lettre dans la boîte aux lettres qui me dit que peut-être je suis capable d'écrire. Mais malgré tous ces signes, je n'ose croire que la bonne chance de ces derniers jours va continuer sur sa voie. Je sens l'excitation de la nouveauté monter en moi, le désir de la découverte et de l'inédit me prendre toute entière. Et puis aussitôt après, je me convaincs que cela ne durera pas, que bientôt tout retombera dans l'immobilité d'un présent ennuyeux. Je n'arrive pas à croire aux preuves qui pourtant me parlent autour de moi. Je me dis que Kolok va se lasser de ma présence sous son toit et bientôt regrettera de s'être lancée dans l'expérience de la cohabitation, que ce gentil garçon avec qui j'ai passé le week-end jamais ne voudra me revoir, que mes élèves bientôt découvriront mes faiblesses et mes hésitations et en abuseront, que ceux qui ont lu les histoires que j'ai écrites se contenteront de les oublier sur un coin de leur bureau.
C'est dur de ne pas croire en soi-même. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi je suis ainsi convaincue que ma vie est un mensonge. Je m'imagine que c'est aux autres que je mens puisqu'ils me voient mieux que je ne me vois. En vérité, c'est à moi-même que je mens en dissimulant ainsi ma propre grandeur.
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