Mardi 11 avril 2006

"Ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants"

Voilà, c'est fini. Je suis mariée. Pourtant, rien n'a changé - si ce n'est peut-être que désormais sur les formulaires officiels je ne cocherai plus la même case sous la rubrique "Situation de famille". Trois mois à ne parler que de ça avec les parents. Trois mois à courir les magasins de mariage tous les samedis après-midi. Trois mois à attendre et à prévoir, à rêver et à cauchemarder; à organiser et à préparer. Mais au final, que reste-t-il ? Une jolie bague à glisser chaque matin sur l'annulaire de la main gauche, un beau livret de famille tout neuf qui est venu dormir dans le tiroir du bureau, et une grande robe blanche encombrante dont je ne sais que faire... Pour le reste, mariée ou pas, je suis restée la même. Mon copain est devenu mon mari, mais je me dispute tout aussi souvent avec lui, et, heureusement, me réconcilie tout aussi régulièrement. Quant à mon nom, pour le moment, j'ai gardé celui avec lequel je suis née. Aujourd'hui, ce n'est plus obligatoire d'adopter le nom de son mari. Alors, comme chacun au travail me connaît sous mon identité de jeune fille, je me suis dit que cela ne valait pas le coup d'ameuter tout le monde pour faire changer mon nom dans mon adresse e-mail ou à la porte de mon bureau.

Dimanche soir, lorsque nous avons passé la première soirée de jeunes mariés en tête à tête dans notre appartement, j'ai ressenti soudain un curieux sentiment de vide. Nous avions rangé dans le grand buffet les dernières bouteilles d'alcool délaissées par les invités au vin d'honneur, en les calant contre les paquets de cacahuètes non ouverts. Nous avions plié soigneusement la grande robe blanche, un peu salie aux pieds, et l'avions enfermée dans la grande housse à fermeture éclair. J'avais disposé dans la petite cheminée du bureau toutes les gentilles cartes de voeux offertes par nos amis et nos familles et j'avais commencé à trier les premières photos numériques chargées sur l'ordinateur. O. avait raccroché le téléphone après avoir parlé un long moment avec Oncle Bassam, puis Tante Nannie, tous deux émigrés à l'autre bout de la planète. J'avais entassé tous les catalogues et toutes les factures des achats liés au mariage dans une grande pochette cartonnée. O. avait arrosé le grand lys rouge odorant tout le salon qui avait été offert pour orner les photos "officielles" des mariés. Nous avions regroupé les derniers ballotins de dragées restant...Voilà, dimanche soir, nous avions fait tous ces ultimes gestes, rangeant notre appartement et semblant en même temps ranger notre mariage. Nous nous sommes regardés, presque nostalgiques, presque déçus. C'est comme si nous cochions la liste invisible des choses à faire : voilà, le mariage, c'est fait... Et maintenant ? Que se passe-t-il ? Qu'arrive-t-il après le "Oui" ?

Heureusement que je n'ai jamais cru aux contes de fée. Si j'y avais cru, il m'aurait fallu admettre qu'après le mariage avec le prince, il ne se passe plus rien qui ne soit digne d'être raconté : "ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants". Oui, mais après ? Pourquoi ne raconte-t-on jamais ce qui se passe après cet épisode urgemment expédié dans un passé simple elliptique ? Pourquoi ne dit-on jamais ce que vivent le prince et la princesse ? Pourquoi ne parle-t-on jamais des espoirs des jeunes mariés, de leurs rêves - de leurs aventures même ? Pour que les contes de fées soient crédibles, il faudrait qu'ils commencent par la fin, ou plutôt que leur fin soit un début. A quand le conte débutant ainsi : "il était une fois un prince qui s'était marié avec une jeune princesse..." ?

Qu'y a-t-il après le mariage ? Une vie à inventer ou une vie à continuer ? Je ne sais pas... Ce que je sais, c'est que j'aimerais me marier tous les jours avec lui. Pour que chaque jour soit une fête inédite. Pour que chaque matin soit un début et chaque soir un espoir. Pour que jamais je n'oublie que je l'ai choisi et qu'il m'a choisie. Pour que notre histoire ne se termine pas dans des verbes conjugués au passé simple.

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