Lundi 18 juin 2007

 

Syndrome Roland-Garros

J'ai le syndrome Roland-Garros. Cette maladie est bien connue de tous les étudiants à l'approche des examens : comment se passionner soudain pour les échanges tennistiques alors qu'on n'en a rien à faire en temps ordinaire et justement quand on a une masse de révisions à faire et qu'on ne devrait pas - oh non, surtout pas ! - s'abandonner devant la télé. En vérité, je ne regarde pas le tennis (de toute façon, Roland-Garros c'est fini), mais c'est tout comme. Depuis quelques semaines - depuis que je me suis soudain rappelée que j'avais un examen à passer très bientôt - je me surprends à user mon temps et mon énergie à toutes sortes d'activités auxquelles je rechigne habituellement. Un petit aperçu :
– l'autre samedi, j'ai fait le ménage de fond en comble en poussant la maniaquerie nettoyeuse jusqu'à faire la poussière sous les meubles et entre les barres des radiateurs (quelle idée, n'est-ce pas ?) ;
– l'autre soir, j'ai lu avec grande attention les copies de bac philo d'écrivains parues dans un numéro du Figaro que j'ai ramené du boulot et je me suis mise à réfléchir activement pour savoir ce que j'aurais bien pu dire à la place des valeureux bacheliers de la fournée 2007 ;
– je me suis découverte une grande passion pour la série américaine Portés disparus et depuis quelques semaines je passe mes lundis soirs à me moquer de ces agents du FBI qui sont capables de retrouver toutes les conversations téléphoniques d'un disparu depuis des dizaines d'années et qui ne découvrent même pas que la disparue avait été un disparu avant son opération (si si, c'est véridique, cf. l'épisode d'il y a deux semaines !)...
Par pudeur et par orgueil pour mon image, je cacherai d'autres activités paresseuses bien moins avouables. Mais bon, je vous laisse les imaginer...

Bref, je fais tout ce que je ne devrais pas faire juste pour ne pas faire ce que je devrais. Le pire, c'est que je fais tout cela avec un atroce sentiment de culpabilité - du coup, je n'en profite pas vraiment. Si vous vous êtes déjà avachis devant la télé sans réussir à sortir de votre tête que vous devriez être ailleurs en train de bosser, vous voyez très bien de quoi je veux parler !

Heureusement, parfois, ma conscience prend le dessus et je remets le nez dans mes bouquins et mes cours. Mais là, c'est la panique. Tant de choses à apprendre, tant de livres à lire qui n'ont pas été lus... et tant de références oubliées, également, à cause de mon affreuse mémoire qui ressemble à une passoire. J'ouvre un livre, pense à un autre, relis un troisième, noircis des fiches, essaie d'apprendre par coeur des citations et fais la liste de tout ce qui me reste à revoir. Boulimie de lectures. Je papillonne dans tous les sens, renouant avec des classiques oubliés. Heureusement, il y a aussi du plaisir dans cette overdose de livres. Je relis l'incipit de Robinson Crusoé et feuillette le Fabuleux voyage de Nils Holgerson qui avait fait rêver ma jeunesse. Aussitôt après, je retrouve Malika Ferdjoukh et me demande comment je pourrais bien citer la géniale Susie Morgenstern dans une dissertation hautement sérieuse, avant de me plonger avec délectation dans l'univers de Claude Ponti. Puis, sans transition, je ré-ouvre Betteilhem, Barthes et Sartre - trio gagnant de critiques incontournables qui me rappellent de plus ou moins vagues souvenirs de Prépa. Il y a du plaisir dans ce butinage. Mais en même temps j'ai un noeud qui me serre le ventre. Je m'imagine devant une copie blanche, l'esprit complètement vide... Au secours !

Dans deux jours, je vais jouer deux parties d'un tournoi qui n'est plus vraiment de mon âge. Heureusement, il y aura deux fées-lectrices pour me (re)cueillir à la sortie des épreuves. Au moins, cette heureuse perspective me permet de ne pas regretter de me faire revivre tous les affres étudiants !

 Regards extérieurs, c'est ici !

 

 
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