Jeudi 24 janvier 2008

 

Ma résolution pour 2008

Voilà la fin du premier mois de l'année qui est déjà presque là et je n'ai toujours pas pris de bonnes résolutions. Ça ne sert à rien les résolutions : c'est juste fait pour ne pas être tenue. Oui, sûrement, mais quand même. Je crois que j'ai besoin d'en prendre cette année. D'en prendre au moins une et d'essayer de m'y tenir, afin de tenter de chasser de moi ce sentiment d'inutilité et d'immobilisme qui me poursuit depuis plusieurs mois. Cela fait des mois que je me traîne dans mon quotidien, un petit peu triste, un petit peu déprimée. C'est latent, inexprimé et peut-être même inexprimable. Mais enfin, c'est là : cette sensation que ma vie piétine et que le temps passant, j'y perds un peu de moi-même. Lentement, mais sûrement.

Il y a quelques jours, je me suis dit que ça ne pouvait plus durer. Non, il fallait que je mette un coup de claque à cette langueur mélancolique, que je la fasse déguerpir une bonne fois pour toutes et que je retrouve cette envie d'exister qui s'use en moi ces derniers mois. "2008, l'année du changement ?" Peut-être bien : enfin, il faudrait que quelque chose change, ça s'est sûr. Quelque chose, mais quoi ? En faisant un bref inventaire de ma vie, j'ai constaté qu'il y avait trois possibilités de changement envisageables : 1) changer d'emploi ; 2) faire un bébé ; 3) écrire un roman. Il y en a peut-être d'autres, mais je n'ai pas trouvé. Se lancer dans toutes ces entreprises en même temps, ce n'est pas possible. Alors, j'ai fait le point sur chacune, en réfléchissant à ce que je voulais vraiment.
1) Changer d'emploi ? Cela fait un an et demi que je suis au même poste. Je ne suis jamais restée au même endroit aussi longtemps. C'est un record pour moi. Je ne m'en croyais pas capable, à vrai dire. Parfois, je me dis que j'aimerais bien voir ailleurs, car je commence à avoir fait le tour de mon travail actuel. Changer de boite, changer de secteur, me lancer dans de nouveaux projets un peu plus créatifs – plus littéraires. Mais cette envie n'est pas assez forte pour me faire bouger. J'aime bien ce que je fais en ce moment et j'apprécie les gens avec qui je travaille. Il y a plusieurs petits avantages que je ne suis pas tout à fait prête à remettre en cause pour me relancer dans l'incertitude d'un nouveau poste. J'ai mis à jour mon CV, mais je n'ai pas encore envie de l'envoyer à qui que ce soit. Quelque chose me dit que ce n'est pas forcément mieux ailleurs – bien au contraire.
2) Faire un bébé ? Grave question. Les années se tassent. J'ai déjà dépassé de deux ans l'âge moyen auquel les femmes françaises accouchent. Autour de nous, c'est l'invasion des bébés. Les amis qui viennent à la maison ne se déplacent plus désormais sans une cargaison de poussette/sac à couches/biberons/joujoux/doudous. Bien sûr, l'idée est là, un peu plus présente chaque mois. Je regarde, incrédule, ces amies d'enfance devenues mamans et je me demande bien ce qu'elles peuvent bien ressentir. Je ne peux imaginer que je n'aurai jamais d'enfants. Mais... mais pour l'instant je n'arrive pas encore à envisager d'en avoir un maintenant. Il y a la peur plus grande que le désir. Il y a le sentiment aussi d'être si petite, si incapable. Je ne crois pas que je suis prête déjà à devenir mère. Pas encore.
3) Il reste la dernière possibilité : écrire un roman. Oui, bien sûr, c'est ça. Ça ne peut être que ça. Me lancer dans ce projet à fond et, enfin, aller jusqu'au bout.

L'autre soir, j'ai ressorti la pochette dans laquelle j'avais rangé les lettres de refus de ma première tentative d'écriture. Une majorité de lettres types. Mais aussi des lettres personnalisées, signées d'éditeurs qui me disaient "non, ce n'est pas tout à fait ça, mais c'est quand même vraiment intéressant". Avec le recul, je me suis rendue compte qu'il y avait dans ces lettres plus de points positifs que je ne le pensais. On disait que dans le roman que j'avais écrit il y avait un style, une histoire, et peut-être même un souffle. On m'incitait à envoyer mon prochain manuscrit. On m'encourageait à continuer.

Le manuscrit que j'avais écrit est resté dans un tiroir. Au bout de quelques mois, je n'y croyais plus suffisamment pour continuer à l'envoyer à des éditeurs et pour chercher des maisons d'édition plus petites et moins prestigieuses. Aujourd'hui, je n'ai pas même le courage de le relire, et encore moins de le reprendre pour le retravailler. Depuis, je suis passée à autre chose. De nouveaux personnages sont nés dans mon esprit. Je côtoie certains d'entre eux depuis des années. Je ne connais pas toujours leur visage. Certains n'ont pas encore de corps, d'autres pas de noms, d'autres encore pas d'avenir. Mais tous ces personnages qui m'accompagnent ont grandi avec moi ces derniers mois. J'ai l'impression de les connaître comme moi-même. Peut-être parce qu'en réalité ils sont un petit bout de moi-même. Ils ont quasiment une autonomie qui me dépasse. Parfois, une idée surgit dans mon esprit : j'imagine un événement, je vois un épisode précis, et je me demande comment réagirait tel ou tel personnage à cette aventure-là. Souvent, j'oublie mon idée. Mais parfois, elle s'impose à moi. Elle vient alors s'entasser dans cette masse d'imaginaire qui dort dans un coin de ma tête.

Les mois, les années passent. Je n'écris pas. Ces histoires, parfois nées en l'espace d'à peine quelques minutes, continuent pourtant de me poursuivre. Régulièrement, je me les répète, comme pour ne pas les oublier. Mes personnages, encore sans mots ni images, ne cessent de me suivre. Parfois, certains en viennent à me poursuivre. Mais je n'écris pas. Je ne me lance pas. Comme si j'avais peur de ce face-à-face avec mes personnages. Comme si je craignais d'être déçue en leur donnant existence, car je sais bien que les écrire, ce sera les confronter avec la réalité des mots et peut-être devoir accepter de leur faire perdre de la beauté lumineuse dont ils sont encore entourés tant qu'ils dorment dans mon esprit.

Mes personnages se bousculent. Ils disent "et moi ? et moi ?" Ils veulent exister. C'est normal, chacun veut exister. Jusqu'à maintenant, je leur ai dit à chaque fois : "plus tard". Plus tard, quand j'aurai le temps. Plus tard, quand je serai grande. Plus tard, quand j'aurai suffisamment confiance en toi et en moi. Aujourd'hui, je n'ai pas le temps. Mais je n'ai pas non plus le temps d'attendre. Je sais que si je ne prends pas le risque maintenant de donner vie enfin à ces personnages, ils viendront à se lasser et à repartir dans le néant qui les a vus naître. Je sais aussi que c'est maintenant, sinon ce sera peut-être jamais. Mes personnages me l'ont dit : c'est urgent.

C'est ma résolution pour 2008 : me faire suffisamment confiance pour aller jusqu'au bout de ces personnages qui m'envahissent depuis trop longtemps déjà.

"Cette confiance là, je pense que c'est la chose la plus importante pour un écrivain. D'avoir confiance, de se faire confiance, de penser qu'on peut y arriver. Après, tout le reste vient de surcroît."
Geneviève Brisac, éditrice à l'École des loisirs (vidéo ici).

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