Vendredi 27 mars 2009

Superstitions

Ces derniers mois ont été si chargés que je n'ai pas vu le temps passer. Les mois ont filé et voilà, comme par surprise je me retrouve bientôt au mois d'avril. Mais depuis mardi, j'ai terminé mon travail. Du jour au lendemain, plus rien à faire ! Cela me fait tout bizarre. Je n'ai plus trois tonnes de projets à gérer, plus de mails à écrire, plus d'épreuves à relire. Rien, je n'ai plus rien faire - sauf peut-être de vieux trucs oubliés à ressortir de dossiers poussiéreux. Le temps, soudain, se met à passer autrement. Il traîne, paresse, se fait nonchalant. Pour la moindre petite tâche, je mets plusieurs heures, comme si je ne connaissais plus tout à coup le temps des choses. Comme si mes heures étaient déréglées. Je rentre tôt à la maison. Il fait jour et c'est l'heure du goûter. Je prends un thé devant un feuilleton à la télé. Tout doucement, je m'en veux un petit peu. Je me dis : Que fais-tu du temps qui t'était si précieux il y a seulement quelques semaines ? pourquoi perds-tu tes heures à t'oublier ? Puis je pose ma tasse de thé sur mon plateau et j'oublie. J'oublie la culpabilité, j'oublie de choisir de gagner ou de perdre le temps et je pense à demain, à après-demain - à mes vraies vacances.

Le 1er avril, cela fera trois ans que je suis la femme de O. "Madame O.", ce nom m'est encore un peu étranger - et pourtant c'est le mien et je le porte comme une fierté. Le 1er avril, je serai dans un avion avec O., très loin en direction de l'Orient extrême. Trois semaines avec lui, trois semaines rien qu'avec lui, au "pays du matin calme".

Il y a quelques semaines, alors que dans nos boulots on était en pleine effervescence, on n'arrivait pas à se mettre d'accord sur la destination de notre prochain voyage. Madagascar ? Vietnam ? Chine ? Il disait oui, je disais non. Je disais oui, il disait non. Et puis j'ai dit : et pourquoi pas la Corée du Sud ? On ne connaissait rien de ce pays et je crois que, naïvement, on croyait que ce serait comme le Japon. Alors, on a réservé les billets d'avion pour Séoul. Depuis, j'ai compris que la Corée n'avait rien à voir avec le Japon. Pourtant, je n'ai pas eu le temps de vraiment bien préparer ce voyage. Mais, chaque jour un peu plus fort, naît en moi cette envie de découverte. C'est un peu comme partir à la conquête d'un pays inconnu.

Et pourtant, lorsque je pense à ce futur voyage qui s'approche à grand pas, je me rappelle en même temps de mon voyage de l'année dernière et surtout de mon retour... et j'ai peur. Au début, comme par une mauvaise superstition, je ne voulais pas partir. Malgré moi, j'avais associé le voyage en Asie à la maladie de mon père et il y avait au fond de moi cette peur incontrôlable : si je partais là-bas, la maladie n'allait-elle pas à nouveau attaquer mon père ? Si une fois elle a profité de mon absence pour se manifester, n'allait-elle pas à nouveau profiter de mes vacances pour réapparaître là où on l'avait éradiquée ?

Mardi, dans son mail, ma mère m'a écrit : "les résultats sanguins de ton père sont bons". J'ai respiré et j'ai chassé mes pensées superstitieuses. Même si. Même si je me suis demandée si, comme l'année dernière, mes parents ne me cachaient pas la vérité. Même si, encore une fois, j'ai pensé que peut-être je n'avais pas le droit de partir si loin.

Là-bas, à l'autre bout du monde, je ne sais pas si j'arriverai à oublier la maladie de mon père. Je crois que j'ai passé l'âge de croire que de telles maladies et ce qu'elles entraînent pouvaient à jamais être éradiqués. Lorsque je suis revenue de mon voyage l'année dernière j'ai définitivement cessé d'imaginer que le mot "éternité" pouvait avoir une signification.

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