Les jours
Parfois, j'ai des jours gris. Des jours où le soleil du matin pèse lourd sur le coin de ma tête. Des jours où le ciel trop bas imprime un mouvement lent et pesant sur chacun de mes gestes. Ces jours gris n'ont rien à voir avec la météo. Parfois, dehors le ciel est d'un bleu magnifique - ce genre de bleu qui fait chanter les oiseaux, fleurir les arbres, réchauffer la nature, tout ça, tout ça. Parfois, dehors, c'est le printemps et l'été réunis. Mais au fond de moi, c'est tout gris. Gris macadam, gris vague à l'âme. Comment faire alors ? Fermer les yeux ? Mais si je ferme les yeux pour ne tourner mon regard que vers moi-même, c'est encore pire. Ouvrir les yeux ? Mais lorsque tout est gris en moi, il me semble que tout est gris aussi ailleurs.
Hier soir, il y avait une tristesse sourde et muette qui cognait dans ma tête. J'avais envie de pleurer, et je ne savait pas pourquoi. Je me suis dit que c'était un jour gris. La dénomination m'a rassurée, comme si mettre une couleur sur un état d'âme pouvait lui donner un sens. Alors, j'ai attendu que ça passe. Ma nuit a été noire − sans rêve, sans insomnie. Et au matin j'avais oublié ce jour gris.
Parfois, j'ai des jours jaunes. Des jours qui rebondissent dans un éclat de rire ensoleillé. Des jours où mon corps n'est plus que légèreté et mon esprit insouciance. Ces jours ont souvent à voir avec la météo, mais pas toujours. Je sais bien qu'au coeur de l'hiver aussi il peut y avoir des jours jaunes. La gaieté ne tient qu'à un fil. Un fil sur laquelle je joue à l'équilibriste au-dessus du vide. J'aime ces jours jaunes − ces jours si rares, ces jours si précieux. Car durant ces moments de grâce, j'oublie de me regarder et pourtant je parviens à me voir. C'est si bon d'être aussi légère qu'une plume. On peut s'envoler si haut, si loin.
Souvent, j'ai des jours blancs. Des jours où tout est à écrire, tout est à vivre. Des jours où je ne peux oublier ce que je suis et où, au contraire, il me faut l'affronter. Ce ne sont pas des jours malheureux. Ce ne sont pas des jours pour autant lumineux. Ce sont des jours qui ressemblent à la vie du quotidien. Cette vie où je sais que je dois conjuguer des verbes d'obligation et de nécessité.
C'est sur le blanc que mon écriture se lit le mieux. Du coup, je sais que lorsque j'écris sur ce blanc les projets que je n'ose pas faire et les décisions que je ne parviens à prendre ils ressortent très clairement. Alors, l'ombré du gris menace toujours. L'échec du "pas assez" se voit si bien sur le blanc que tout menace alors de devenir gris.
Pourtant, j'aimerais réussir à écrire mes projets sur du jaune. Ne seraient-ils pas enfin bien plus beaux, bien plus grands ?
Regards extérieurs, c'est ici !
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