Bras d'honneur
Je suis allongée sur le fauteuil, la tête tournée sur le petit écran situé à droite. La position est inconfortable et j'ai un début de torticolis. Mais c'est pas grave. C'est la deuxième échographie, mais la première officielle. Celle qui se compte en nombre et en lettres (12 SA) et qui permet de déclarer à la face du monde "oui, il est bien là". O. est assis un peu plus loin sur une chaise, de l'autre côté. Je ne peux pas le regarder et en même temps voir l'écran. Je me tors le cou, je ne vois rien. Une masse grise informe. L'échographe ne dit rien. Puis elle murmure qu'il est mal placé. Alors elle tapote sur mon ventre. La chose se réveille, change de position. Enfin, on le voit de profil. Un petit nez en trompette, un grand front, un petit bidon. Oui, la chose paraît bien humaine. Elle bouge, lève un bras. "C'est le fémur", dit l'échographe. La chose gigote encore. "Un peu plus de 7 cm de la tête aux fesses", ajoute le médecin. "Il bouge beaucoup, c'est ça ?", questionne O. qui ne semble pas y croire. En effet, il n'arrête pas.
Dans l'ascenseur qui nous monte chez nous, je dis à O. : "T'as vu, il t'a fait un bras d'honneur". Je déplie le cliché sur papier glacé transmis par l'échographe : on y voit un bras immense replié vers le haut. J'ajoute : "C'est un rebelle, un excité, comme ton chat". O. soupire. Je pose la main sur mon ventre. Je ne sens rien, strictement rien. Et pourtant il y a une chose qui bouge à l'intérieur avec un coeur qui bat. So strange.
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Il y a un an.
Il y a deux ans. Il y a trois ans. Il y a quatre ans. Il y a cinq ans. Il y a six ans. Il y a sept ans. Il y a huit ans. Il y a neuf ans. Il y a dix ans Il y a onze ans. |