Dimanche 3 avril 2011

Mon enfant, ma douce, ma tendre

Aucune réelle amélioration depuis la sortie de l'hôpital. Mon enfant, ma douce, ma tendre continue de se tordre de douleur au milieu de chaque biberon. Comme si au fond du lait, il n'y avait rien d'autre que de la souffrance. Il faut une heure pour donner à la Sardine un biberon qu'elle n'arrivera généralement pas à finir de toute façon. Six biberons dans une journée – six heures à voir mon enfant, ma douce, ma tendre pleurer au lieu de manger. Le diagnostic posé par les médecins n'est visiblement pas le bon, puisque le traitement prescrit, qui devait être un remède miracle, s'avère inefficace. Depuis quelques jours, j'ai pointé du doigt une hypothèse qui avait été faite sans être explorée : la possibilité d'une allergie aux protéines de lait de vache. Depuis, j'ai arrêté de manger des yaourts et du fromage et décidé de retarder le moment du passage au lait artificiel. Mais ce sera peut-être un coup d'épée dans l'eau. J'attends le prochain rendez-vous avec le pédiatre avec une impatience irraisonnable. Tous ces médecins rencontrés, j'aimerais les secouer, les harceler jusqu'à ce qu'ils me disent enfin pourquoi. Pourquoi mon enfant, ma douce, ma tendre n'arrive pas à manger à sa faim.

O. a les yeux au milieu de la figure. J'ai de grandes cernes au-dessous des paupières. La fatigue s'est accumulée dans les corps. Les journées s'écoulent, de biberons en biberons, de cris en cris. Un jour pourtant, cela va mieux : plusieurs dizaines de grammes sur la balance, deux repas de suite pris sans pleurs et on se dit, Voilà, la Sardine est guérie, enfin le cauchemar est terminé. Et puis le lendemain, ça recommence. Les cris, les pleurs, le lait qui reste dans le fond du biberon. Mon enfant, ma douce, ma tendre a mal. Et je n'arrive pas à soulager sa douleur.

Hier, le ciel sentait bon le printemps. J'ai laissé mon manteau d'hiver au porte-manteau, O. est sorti en pull et j'ai enlevé la petite couverture rose de la poussette. Je voulais montrer à la Sardine le printemps – lui faire faire connaissance avec ma saison préférée. Nous sommes allés dans le grand parc. Il était empli d'enfants se poursuivant, se lançant le ballon ou roulant sur des tricycles. Je nous ai revus, O. et moi, dans ce même parc, avant. Avant, quand on allait courir autour du petit étang aux canards. Avant, quand on cherchait un appartement avec vue sur le parc. Avant, il y a cinq ans presque jour pour jour quand on était deux jeunes mariés se faisant photographier devant les camélias en fleurs. Du soleil, des fleurs et du ciel bleu, la Sardine n'a pas vu grand chose, puisqu'elle dormait, le sourire aux lèvres, la tête penchée sur le côté. Alors je l'ai imaginée après. Après, quand elle sera devenue une petite fille apprenant à marcher sous le grand cerisier en fleurs. Après, quand elle montrera du doigt les canards de l'étang et descendra sur ses trois roues la petite côte près de la pelouse. Après, quand toute cette souffrance des premières semaines de sa vie ne sera plus, je l'espère, qu'un lointain souvenir.

L'après midi était encore chaude sur notre coin de pelouse. La Sardine s'est réveillée, nous a regardés, puis a crié sa faim. J'ai sorti un biberon et j'ai accroché un bavoir autour de son cou de bébé. À son oreille, j'ai murmuré, C'est le premier repas que tu fais dehors, au soleil, ma petite minette. La Sardine a ouvert grand la bouche, accueillant avec confiance le liquide blanc soulageant sa faim. Mais après quelques minutes, les cris sont revenus. Mon enfant, ma douce, ma tendre avait retrouvé son mal mystérieux. J'ai posé le biberon dans l'herbe et j'ai serré ma fille contre moi pour la calmer. Après quelques minutes, la douleur a fini par passer. Et nous avons quitté le parc. Dans mon sac, j'avais un biberon tout juste entamé et dans mon cœur, une petite boule d'inquiétude.

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