Ma sauvageonne
Ma fille, mon petit animal sauvage.
La Sardine aperçoit sa grand-mère qui lui dit « tu veux jouer avec Téta ? » Mais la petite tête blonde se blottit contre moi, esquissant à peine un sourire sur le bord de ses lèvres. À la plage, le cousin Farid fait des grimaces et prononce quelques mots français à l'accent américain. Mais la Sardine tourne la tête et fait des gestes de rejet avec ses mains. Elle ressemble à un petit chat qu'on voudrait baigner dans de l'eau froide. Elle se hérisse, fait « pschitt ! ». Un peu honteuse, j'explique : « she's shy ! » Mais les gens insistent, veulent la prendre dans leurs bras, lui faire des bisous. De nouveau, la Sardine refuse et se réfugie contre ma poitrine ou entre mes jambes. J'essaie de la raisonner, de lui expliquer que des gens qu'elle ne connaît pas ont le droit de la regarder et de lui parler. Mais elle n'écoute rien et respire mon odeur, comme si faire le plein de maman pouvait l'aider à affronter les inconnus. Je dis à O., Ta fille est associale. Il répond, Ce n'est pas grave, ça lui passera. Ou bien il rétorque, Tant mieux, elle sait ce qu'elle veut. Ou bien il dit, Elle est comme sa mère. Et je me surprends à en être un peu fière. La Sardine tient de sa maman sa timidité, ses yeux bleus et ses boucles blondes. De son papa, elle a hérité de son goût pour la pastèque, de son caractère têtu et de son bon sommeil.
« Au revoir ! ». Du balcon, on salue les invités qui étaient venus nous rendre visite. Aussitôt la porte refermée, ma petite sauvageonne redevient une joyeuse petite fille. Elle se cache derrière un canapé et dit « coucou » ou bien s'amuse à coincer ses cubes en plastique dans ses pieds en répétant « chochures ». Mon petit chat sauvage est maintenant un vrai petit clown. Ses yeux moqueurs sont cachés par ses cheveux désormais trop longs, mais on reconnaît son air taquin qui plisse dans son sourire. Je l'attrape comme je peux et je lui fais un bisou sonore. Elle se blottit contre moi et repart aussitôt faire une bêtise dans une autre pièce. Mon petit animal ne se laisse pas facilement adopter. Je ne lui dis rien, mais je pense, presque malgré moi, Tu as raison, ma fille, de te protéger ainsi et de ne pas te donner à tout le monde. Et de nouveau, je ressens une grande fierté au fond de moi.
Regards extérieurs, c'est ici !
Il y a un an.
Il y a deux ans. Il y a trois ans. Il y a quatre ans. Il y a cinq ans. Il y a six ans. Il y a sept ans. Il y a huit ans. Il y a neuf ans. Il y a dix ans. Il y a onze ans. Il y a douze ans.
Il y a treize ans.
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