Samedi 8 février 2014

Ses mystères

Il y a le grand silence, la nuit, quand on se réveille au milieu de l'obscurité, les yeux encore embrumés, le geste hésitant, tenant en soupirant le petit bout de chair rose qui réclame son lait. Peut-être est-ce cela qui m'a frappée le plus depuis que nous dormons ici : ce silence, la nuit, alors que nous sommes au cœur de la ville et que dans la journée je n'arrête pas de voir défiler devant la fenêtre du salon les passants et les voitures.

Il y a ces bruits qu'on entend dans les murs de la maison. Des pas au-dessus de ma tête, une chasse d'eau, un cri étouffé, que sais-je. Dans un premier réflexe, j'entends sans écouter : par habitude, je me dis "ce n'est rien, c'est un voisin". Puis soudain, je me souviens : nous sommes dans une maison, il n'y a pas de voisin à côté, au-dessus, en-dessous. S'il y a un bruit, il vient de nous (ou d'un voleur), donc je dois savoir ce que c'est. La Sardine qui s'est réveillée de sa sieste ? O. qui est rentré du travail ? La maison est si grande. Le silence m'inquiète et me rassure à la fois. J'ai l'impression que des mystères dorment dans les coins isolés des pièces et que rien ne me permettra de les percer.

Il y a le froid qui me fait frissonner dès que je pénètre dans l'entrée ou dans la chambre encore inoccupée de la Crevette. Par souci d'économie, on ne chauffe pas au maximum toutes les pièces. Encore une fois, la maison paraît si grande qu'elle nous échappe un peu. Nous n'avons pas encore apprivoisé tous les recoins. Dans la chambre de la Crevette, le petit lit en bois n'est pas encore monté. J'ai du mal à croire que bientôt mon petit bébé quittera notre chambre pour dormir toute seule là haut.

Il y a le jardin, grand espace de gadoue, où dans des trous vient stagner l'eau de pluie. O. a acheté une motobineuse pour retourner la terre et planter la pelouse. Il a dit, Là on fera pousser des bambous, et là tu auras ta terrasse. Mais c'est l'hiver encore. On n'a pas encore ramené les chaises longues de chez mes parents. Et on a du mal à imaginer que dans quelques mois on pourra disposer une table ronde et des chaises pour improviser un barbecue.

Notre maison, notre jardin. Notre avenir. C'est à nous et encore un peu étrange et étranger. C'est à nous et encore empli de mystère et d'impatience. Je regarde la Sardine dans sa chambre immense emplie de jouets, je la regarde qui danse, qui court, qui sautille, qui fait des galipettes. Je regarde la Crevette qui s'est endormie sur le canapé, je la regarde qui tourne la tête vers le coussin rayé, serrant ses poings, une goutte de lait oubliée au coin des lèvres. Je regarde O. qui pianote sur son ordinateur, assis par terre devant la table basse, réglant d'ultimes détails avec le maître d'œuvre qui a suivi les travaux de la maison. Je me regarde, assise devant mon ordinateur, un bébé calé sur un bras, les mains courant sur le clavier, racontant ma nouvelle vie ici. Je n'arrive pas à imaginer l'histoire que nous allons écrire dans cette nouvelle maison. J'espère qu'elle sera joyeuse et colorée, à l'image du bleu piscine que nous avons choisi pour le carrelage de la cuisine.

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