Top 5 country



pour m'écrire

















































































hier demain
Mardi 5 juin 2001

Le TOP 5 Country...
ou pourquoi Eva remercie en 5 points l'Education Nationale
pour l'avoir nommée en pleine campagne (ou presque)
.


1) Vivre à proximité des champs dispense de posséder un calendrier qui vous rappellerait avec la banalité méchante des chiffres que le temps passe. Pour se rendre compte que le temps se laisse couler et que les saisons dansent la ronde en chantonnant le même air, il suffit de regarder les champs de blé et de mesurer leur couleur, leur odeur, leur hauteur.
Il y a trois mois, il n'y avait que de la terre battue. Il y a un mois, il y avait de jeunes pousses vertes qui osaient à peine sortir le bout de leur tige. Aujourd'hui, le blé est en herbe. Ce blé là ne sent pas encore l'été, mais il respire la jeunesse. Partout l'océan vert en attendant l'océan doré... Quand je verrai les champs devenus blonds, je saurai que c'est juillet.
la photo a été prise il y a déjà quelques semaines, et, ma foi, n'est déjà plus valable, puisque le colza a disparu des champs en ce début juin !

2) J'imagine que dans les lycées de banlieue, on est dérangé par des bruits de motos ou de voitures de police, ou même par toute cette violence qui entre là où elle ne doit pas aller et sur laquelle on disserte dans les médias. Dans mon lycée, rien de tout cela. Cela ne veut pas dire qu'on n'est pas dérangé. L'autre jour, en pleine explication de texte sur la définition du vivant (justement) chez Kant, j'ai soudain entendu un grand cri dans la classe. C'était un cri de joie, qui venait du coeur : "Oh regardez !" L'enthousiasme de la jeune Poulpe observatrice qui depuis deux heures devait fixer la fenêtre était si grand que tout le monde s'est précipité au carreau : "oh qu'il est mignon le petit lapin !" La première réaction de la prof a été de croire à une mauvaise blague (encore...). Mais non, il y avait bien un petit lapin, juste devant nous, de l'autre côté de la fenêtre ! Il se chauffait au soleil, tranquillement. Mais les Poulpes en folie faisaient entendre leur émerveillement si fort que Jeannot n'a pas tardé à déguerpir. Je n'ai pas de photo cette fois-ci... mais qu'est-ce que j'aurais aimé en avoir une !

3) Dans les villes, il paraît qu'il y a des embouteillages, c'est-à-dire des messieurs tout rouges qui grognent dans leur auto en tapant de colère dans leur volant parce qu'ils y a pleins de messieurs comme eux devant leur auto, si bien qu'aucun d'eux ne peut la faire avancer. Ici, très tôt le matin, il n'y a a personne sur les routes. Je peux rouler très vite dans l'aurore et sentir le soleil se lever paresseusement dans la fraîcheur de la rosée qui promet une belle journée.
J'aime passer dans les villages endormis et sur les routes désertes. Il y a toujours des petits animaux (des oiseaux surtout, mais aussi des bêtes plus grosses à quatre pattes) qui s'enfuient sur mon passage comme si je n'étais pas de leur univers. J'aime aussi rouler en regardant autour de moi. Mon regard se perd alors dans les champs bordés de coquelicots. J'en viens alors à croire que je suis entrée dans un tableau de Monet.
coquelicots

4) Dans la capitale, les Parisiens peuvent lire Le Parisien. Mais c'est un quotidien qui n'est pas drôle : on n'y raconte que des histoires de racket ou de viols. Par contre, lorsqu'on ouvre le journal d'ici, Les Nouvelles d'Evaville, on peut être certain de rire à gorge déployée. La soirée de bal musette de l'Amicale des joueurs de pétanque de Saint-Jean-Le-Trou ou encore le repas annuel des retraités de l'usine de chaussettes de Triffoulli-sur-Perdu y sont toujours racontés avec la lourde cocasserie des pires clichés journalistiques. Le must des must est cependant les pages post-électorales : on y voit affichées toutes les têtes des élus locaux qui, solennellement posent devant leur mairie de 2140 habitants, entre la vieille Marianne et le drapeau tricolore tout froissé. Ce qui est chouette, c'est de se dire que quoi qu'on fasse, on connaîtra toujours une occasion dans sa vie pour avoir un jour sa photo dans le journal du coin. On en vient à croire qu'on est important, diantre !

5) Ici il n'y a pas de métro souterrain. Pas de risque d'asphyxie au milieu de la foule. Quand les gens d'ici voyagent ensemble, soit ils prennent le bus en n'oubliant pas de saluer le chauffeur en entrant, soit ils prennent le train en sachant alors qu'ils en ont pour un moment.
Ici, on voyage presque déjà en grande ligne. On voit les villages qui défilent par la fenêtre et on peut choisir celui dans lequel on voudrait habiter. Jour après jour, on revoit les mêmes visages sur les fauteuils d'en face, si bien que l'habitude en a fait des amis. Le monde est grand en province, car les villages sont loin les uns des autres, mais en même temps il est si petit puisque chacun reconnaît son voisin au détour d'une rue.
la SNCF vous souhaite la bienvenue

J'avais prévu au moins cinq autres points encore. Mais je m'aperçois que je ne parviens pas à dire convenablement ce qui m'attache à cette terre. Je n'aime pas Evaville. Tout y est gris et petit. Mais j'aime n'avoir à faire que cinq kilomètres pour me retrouver au milieu des champs ou de la forêt. Je n'aime pas les gens d'ici. Ils sont pour la plupart fermés et pleins de préjugés. Mais j'aime qu'ils me rappellent que l'air est à respirer et que la nature est là. Je voudrais toujours habiter Paris... mais je m'aperçois ici que le problème c'est qu'à Paris on oublie rapidement que tout cela aussi existe. Tout cela : les tracteurs, les champs, le vent d'été, les lapins sauvages, la sagesse paysanne... J'ai peut-être aussi besoin de tout cela moi aussi...



_______________________________________________
Ce que j'ai lu ce week-end : Maigret en meublé - Simenon
Un aller simple - Didier van Cauwelaert
Ce que j'écoute : la symphonie des jouets d'un certain Leopold Mozart
Post-it : penser à faire un Top 5 spécial Paris.