Retrouver la découverte



pour m'écrire



























































hier demain
Lundi 27 août 2001

En ce moment, je lis toute la journée. De gros ouvrages bien sérieux. C'est écrit tout petit à l'intérieur et il n'y a pas d'illustration. Et pourtant, j'y plonge comme en une histoire. Il y a des personnages, des rebondissements, des péripéties, et tout et tout. Certes les visages ont des têtes de concepts et les événements des positionnements de thèses. Mais quand même, à chaque page, je veux savoir la suite. Pourquoi la philosophie s'est-elle instituée par opposition au roman et à la fiction ? Il y a tout autant, sinon plus, d'intrépidité et de d'énigme narrative dans un ouvrage né de la pensée que dans un autre sorti de l'imagination.

Ne le répétez pas, mais si je lis comme cela, avec autant d'énergie et de curiosité, c'est que j'ai dans l'espoir de trouver la vérité. Oui, rien qu'elle. Tiens, mettons-lui une majuscule, ça la rendra encore plus importante : Vérité.

Mon éclatement philosophique de ces derniers jours me fait penser à celle que j'étais au-début de mes études, lorsque je suis entrée en Prépa. C'était fantastique : un découvrement du monde, un dévoilement absolu et total des choses, un rayonnement exclusif et lumineux du savoir. Je découvrais tout à la fois et je ne savais plus où poser mes yeux. Apollinaire et ses errances de mal aimé en pleine Zone, la civilisation grecque et ses villes homériques au nom de conquérantes, Heidegger et son "être-là" qui ouvrait un lieu pour le découvrement du monde, Céline et les mots interdits qui devenaient littérature, Shakespeare et le tragique des sentiments, Pascal et le "fini, infini, rien", la dialectique d'Hegel parfaitement trinaire... A chaque cours, à chaque lecture, un monde entier se construisait devant moi. Je découvrais que je vivais dans un univers immense que j'avais ignoré jusqu'alors, et je me demandais comment je pouvais avoir vécu si longtemps dans l'obscurité et dans l'étroitesse de mes préjugés communs. L'espace habitable reculait chaque jour ses limites pour aller toujours plus loin vers le plus haut, le plus beau, le plus grand. Les années de mes 18, 19, 20 ans restent en moi comme de formidables années d'aventures tant intérieures qu'extérieures. Bien sûr, tout se passait dans les livres, à travers la mince épaisseur de feuilles de papier noircis. Certains diront que ce n'était pas là la vraie vie. Pourtant c'est bien à cette époque là que j'ai expérimenté que "la vraie vie", cela ne pouvait pas être autre chose que "la littérature" (Marcel était passé par là).

J'aimerais retrouver ces années de découvertes et d'émerveillements. En vieillissant, plus rien ne devient si enthousiasmant. Les thèses qui s'opposent et qui se réfutent deviennent banales, déjà vues. Bien sûr, il reste encore à les connaître de l'intérieur, à en savoir tous les contours, à en écouter toutes les tonalités. Mais ce n'est pas pareil. La découverte de l'inédit, de l'impossible, du génie n'est plus là, puisqu'elle a déjà été faite auparavant.

J'aimerais ré-apprendre à découvrir les choses, les êtres et les pensées. Rien que pour cela, cela mériterait de retourner au lycée. Tous les cinq ans environ, par exemple. Juste pour faire un entretien de la curiosité intellectuelle qui, avec le temps, semble souvent s'éroder.

Quoi ? Ah oui, c'est vrai qu'apprendre file des boutons aux jeunes qui peuplent les lycées d'aujourd'hui ! Comment avais-je pu l'oublier ? Il serait bien tant que je re-tombe sur terre, moi... (soupir)...