J'ai envie de faire une vraie entrée de journal intime ce soir. Pas partir dans de grandes considérations ou de piteuses analyses, non. Mais écrire comme si ce n'était que pour moi - pour moi et mes futurs souvenirs. Alors une "vraie entrée de journal intime", ça sera du quotidien, du quotidien et rien que du quotidien.Le quotidien d'hier, c'était les résultats du bac dans le journal local. J'ai épaté ma mère parce qu'à chaque nom de Poulpe je savais à l'avance dans quelle liste il fallait regarder - si c'était dans celle des "admis" ou dans celle du "rattrapage". Pas de grosses surprises. De la joie pour l'unique élève de mes classes ayant obtenu "mention Très Bien". De l'énervement contre ce glandeur de première qui ne venait plus en cours depuis Pâques et qui se foutait de tout, mais qui a réussi malgré tout à décrocher le bac du premier coup. Et puis aussi de l'inquiétude pour cette élève ayant travaillé dur toute l'année, mue par son désir de bien faire et son angoisse d'échouer, qui doit pourtant passer l'oral de rattrapage. C'est bien connu : c'est rarement ceux qui le méritent qui réussissent. Mais quand on se heurte à cette loi injuste et arbitraire, même indirectement, c'est toujours finalement frustrant.
Le problème, c'est que lorsqu'Hannah est revenue de sa balade, une souris dans la gueule (elle nous ramène toutes ses proies, mortes ou vivantes, rongeuses ou ailées), et qu'elle a vu qu'un intrus était en train de prendre sa place, elle a été très en colère. Bébert était tout content de voir un chat arriver, croyant qu'il avait trouvé une compagne de jeu. Mais la belle ne l'a pas entendu ainsi : elle a fait le gros dos, a lancé un "psschittt" effroyablement méchant et le malheureux est parti en courant. Exit Bébert. A bientôt j'espère.
Le quotidien de ce matin, c'était ce petit chat noir et blanc, déjà de passage hier, qui est revenu me voir, en l'absence de la maîtresse des lieux. Il n'arrêtait pas de miauler. Un miaulement grave et exigeant. Il courait partout dans le jardin, au début un peu apeuré, puis rassuré et démesurément affectueux, se frottant à toute présence humaine se trouvant sur son passage. Il était indispensable de donner un nom à ce nouvel ami sorti de nulle part. Alors en hommage à Céline et au Voyage au bout de la nuit, il a été baptisé Bébert. Ca fait un peu couscous à Montparnasse, mais ça lui va bien quand même à ce petit minou.Le quotidien de ce soir, ce sont les affaires à rassembler pour penser bientôt à préparer les bagages. Demain matin je me lève à l'aurore pour faire passer des oraux de bac, puis, enfin, je serai définitivement en vacances et je pourrai enfin vraiment partir. Il ne faut rien oublier. Je fais des listes. La crème solaire ? Oui, je l'ai mise de côté.
Et les chaussures, je prends lesquelles ? Il me faut aussi de petites sandales pour être belle, et pas seulement mes grosses chaussures de randonnée. Et ma jolie robe longue, nouvellement achetée, je fais comment pour qu'elle ne soit pas froissée au fond du sac à dos, coincée entre le matelas en mousse et le sac de couchage ? Je ne veux pas avoir l'air d'une bohémienne au mariage de Marie. Et puis combien de petits hauts je prends ? Et seulement deux romans et quatre pellicules photos, ça suffira ? Faire sa valise provoque un questionnement aussi dense que la métaphysique.Comme d'habitude, rien n'est prêt à temps. Je n'ai même pas réservé encore mon billet de retour. Je dis à mes parents pour les énerver que je reviendrai peut-être pas, que je vais jouer un remake de Columba, l'héroïne de la vendetta, et qu'ils devront garder mon chat en pension pendant des mois. "Ah non, là, t'exagères !" Oui, j'exagère, je sais. J'abandonne parents, chats, amis... et lecteurs !
Mais tant pis si j'exagère. Je crois que j'ai besoin de vivre un peu plus dans la réalité. J'y suis bien dans mon monde virtuel. Mais peut-être un peu trop bien justement. J'ai souvent ce soupçon que la vraie vie n'est pas derrière un écran d'ordinateur. Il est temps que j'aille vérifier cette supposition. Loin de l'ordinateur, je vais pouvoir regarder, sentir, toucher, caresser, ou simplement fermer les yeux. Me remplir d'images, de visages et de voyages, pour avoir enfin quelque chose de neuf à raconter à mon retour.
Donc, chers Lecteurs, je vous dis au-revoir ! Oh, ne vous inquiétez pas : je reviendrai sûrement. Au bout d'un mois, l'envie de me remettre devant mon écran et de faire courir les doigts sur le clavier sera trop forte, je le sais bien. Mais je serai peut-être un petit peu différente. Un peu moins pauvre j'espère.