Jeudi 13 octobre 2005

Le tour des propriétaires
La chambre à coucher est quasiment finie : le papier peint est collé, le grand lit en bois est monté, ma vieille armoire de mon ex chambre de petite fille est installée et remplie déjà à ras bord de mes vêtements. Samedi dernier, on a même accroché sur les murs quelques tableaux : face au lit, la vue sur la montagne, dans un vieux cadre doré, au-dessus de l'ancienne malle en cuir qui a fait bien des voyages ces dernières années. Il ne reste plus qu'à trouver une belle applique à accrocher au-dessus du lit et à poser des rideaux dignes de ce nom. Il faudra aussi fabriquer de beaux placards qui viendront remplacer la penderie en plastique toute bancale et cacher les bouts de murs qui n'ont pas été recouverts de papier peint (mauvais calcul des rouleaux chez Leroy-Merlin !). Mais ça, on verra plus tard. Quand on aura de l'argent.

La salle de bain est prête à recevoir des bains moussants et parfumés. Le placard à miroir a été installé au-dessus du lavabo et O. a comblé les joints autour de la baignoire. On a fixé au mur des spots au-dessus du miroir pour pouvoir se contempler en pleine lumière quand on se brosse les dents le matin. Il ne reste plus qu'à faire des trous dans le carrelage pour accrocher un porte-manteaux pour mon peignoir et fabriquer des étagères solides au-dessus du radiateur. Avant cela, il faudra quand même qu'on enlève les seaux d'eau dans lesquelles trempent de vieux pinceaux encore tout collés de peinture - vestige de travaux encore tout récents.

Le bureau ressemble enfin à un bureau. Après des soirées entières passées à poncer le parquet avec du papier rugueux et quelques jours à attendre que la vitrification veuille bien sécher, nous avons pu découvrir un beau parquet de chêne foncé. Ça craque sous les pieds quand on marche, comme pour rappeler que chaque pièce a une histoire et une vie. J'ai installé mon grand bureau de bois pile face à la fenêtre. Le soir, lorsque la nuit tombe, je vois une à une les lumières de la ville s'éclairer, comme autant de signaux et de paroles muettes. Toutes les heures, je lève la tête et je vois la tour Eiffel scintiller en prenant un air de fête. Je n'ai plus besoin de montre. La ville est devenue mon horloge. Je vais pouvoir travailler, écrire et rêver dans ce bureau. Tant pis si l'armoire bleue à roulettes n'a pas encore été montée et si les livres sont encore en attente de savoir à quel endroit la bibliothèque qui les accueillera sera rangée. On verra ça plus tard.

La cuisine est installée depuis longtemps. On a décidé de tout garder tel quel, en attendant - un an ou deux peut-être - d'avoir plus d'argent pour changer les placards un peu vieillots et renouveler l'électroménager qui date un peu. J'ai rangé au bon endroit les casseroles et les assiettes, réservant une étagère entière de placard pour les petits gâteaux au chocolat du goûter et une autre pour les petits verres peints ramenés du Maroc et invitant chacun au rituel du thé à la menthe. Comme on n'a pas encore acheté de machine à laver, on a un vrai espace dans cette cuisine tout en longueur. On y a installé la table - une vieille table en formica qui a accueilli jadis les repas de mes grands-parents, puis de mes parents alors jeune couple. Il n'y a pas la télé dans la cuisine. Alors on se regarde yeux dans les yeux, O. et moi, et on se raconte des histoires. C'est pas plus mal comme ça.

Quant au salon, enfin, ce n’est plus un garde-meuble. Les murs sont d'un blanc cassé parfait et le parquet d'une chaude couleur de bois. On a installé un grand miroir au-dessus de la cheminée et mis sur la table ronde la belle nappe bleue achetée à Tripoli, au Liban, l'année dernière. Péniblement, on est arrivé tous les deux à déplacer le lourd buffet rustique, cadeau de mes parents (qui l'avaient eu eux-mêmes de leurs parents). J'y ai rangé la belle vaisselle des grands jours, à côté des bouteilles d'apéritif : ce sera lorsqu'on aura des invités et qu'on voudra se la jouer grands bourgeois. On a installé le lit-bateau - mon vieux lit de petite fille, transformé en canapé - non sans avoir maudit ces vieilles vis toutes rouillées qu’ont les meubles qui ont traversé les âges. On est ainsi prêts pour des voyages en bateau-lit. Certes, il reste encore tout un pan de mur à rénover, une mauvaise fissure à réparer dans un coin du plafond et des bibliothèques à monter. Certes, il y a encore les rideaux à trouver et le grand fauteuil à recouvrir (pour éviter l'invasion des poils de chat). Mais bon, ça ressemble déjà à quelque chose. Et plus encore, on aime ce à quoi ça ressemble. C'est l'essentiel.

Il y a encore des cartons de livres dans le couloir, des tableaux à accrocher et tous les outils à ranger. Mais jour après jour, notre appartement prend vie devant nous. C'est presque magique. O. et moi, on regarde ces murs qui se recouvrent à notre image, et on n'y croit pas. C'est notre premier vrai appartement d'adultes. Notre premier vrai appartement où on n'est pas seulement là de passage. Notre premier vrai appartement où on peut jouer à être grands.

vue de mon bureau la nuit



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