A qui est-ce la faute ? A qui est-ce la faute si je vis à cent à l'heure tout en ayant perpétuellement l'impression d'avoir à prendre le train en marche ? A qui est-ce la faute si les journées ne font que 24 heures alors qu'il m'en faudrait 24 de plus pour avoir seulement le temps de vivre ? A qui est-ce la faute si ma vie ressemble à un marathon même s'il n'y a pas de ligne d'arrivée ?Les journées, tous les matins, recommencent. Aujourd'hui ressemble à hier et hier à demain. La vie court et moi, je peine à la rattraper. Parfois, j'ai l'impression que ma vie est un film VHS que l'on passe en vitesse accélérée. Un instant c'est le matin, et l'instant d'après c'est déjà le soir. Un moment c'est l'été et la chaleur sèche d'un mois d'août citadin, et le moment d'après c'est déjà l'hiver et le ciel blanc et lourd d'un février glacial. On a appuyé sur la touche "avance rapide". Et impossible de trouver où se trouve le bouton "pause". Au secours, je voudrais crier. Crier STOP ! Crier PAUSE ! Mais impossible. Je n'ai pas le temps de crier. J'ai juste le temps de courir. Et si possible de courir sans trébucher.
On me vole le temps et on me mange les heures et les jours. A qui est-ce la faute ? A cette vie parisienne insensée qui ignore qu'il est possible de marcher dans les rues d'un pas calme et serein ? A ces boulots modernes dont le statut convoité de "cadre" vous donne le droit, en toute légalité, de travailler 45 ou 50 heures par semaine tout en étant payé 35 ? A ces impératifs du quotidien dont les exigences matérielles imposent leurs priorités et obligent à laisser de côté plaisir et paresse ? Ou bien tout simplement à moi qui ne sais pas m'organiser et qui, voulant faire mille choses à la fois, n'en fais aucune ?
J'aimerais faire la grasse matinée et paresser dans le lit avec un bon bouquin. J'aimerais prendre mon petit-déjeuner avec mon amoureux, mettre plein de miettes dans le lit, puis mettre le plateau de côté pour plonger au fond des draps. J'aimerais sentir ma peau ramollir dans un bain brûlant et faire des acrobaties pour tourner les pages de mon roman sans les mouiller. J'aimerais mettre ma tête dans la douceur du ventre de mon petit chat. J'aimerais perdre mon agenda et ne pas me soucier de cette perte inopportune. J'aimerais perdre mon temps et avoir en même temps la certitude de le gagner.
A qui est-ce la faute si le temps s'en va sans que je puisse m'y retrouver ?