Vendredi 11 février 2011

Une femme d'intérieur

Je ne suis pas une femme d'intérieur. C'est ce que je me dis chaque jour lorsque je me retrouve toute seule dans le grand appartement. Je range les affaires qui traînent, lance une lessive, lave les bols du petit-déjeuner. Puis je m'allonge dans le canapé, exténuée par tous ces efforts. Mina me rejoint. Elle a la queue qui frétille. Elle espère ses croquettes du matin. Je zappe sans but d'une chaîne à l'autre. Pourquoi les émissions du matin sont-elles si ineptes ? Enfin, après un long moment, je trouve le courage de me lever. Une douche rapide, puis j'extirpe le caddy du placard. Aujourd'hui, je me suis promise de sortir. Après deux jours passés entre quatre murs, sans parler à personne, j'ai l'impression d'étouffer.

Sur le chemin du marché, je croise des mamies avec des paniers en osier et des nounous noires qui promènent des enfants blancs dans des poussettes deux places. Un vieux monsieur se fait balader par son chien. Il fait beau aujourd'hui et la ville s'est enveloppée d'une odeur de printemps. Les gens traînent à la terrasse des cafés. J'ai envie de m'asseoir, moi aussi, et de discuter du beau temps devant un café noir. Mais je n'ai personne avec qui discuter. Alors je continue de tirer mon caddie. La bibliothèque est presque vide. Personne ne va donc emprunter des livres le vendredi matin ? À la poste, je retire un colis et achète des timbres "Année du lapin". Ce sera pour les faire-parts. Sur la place du marché, je me faufile entre les stands. Je roule sur les pieds d'une vieille dame. Pardon, excusez-moi. J'achète quatre bavoirs à 40 centimes pièce. Puis je remplis mon caddie dans le petit supermarché. Des plats tout faits et des gâteaux sous emballage. Ce n'est pas maintenant que je vais me mettre à la cuisine. Je ne suis pas une femme d'intérieur.

De retour à la maison, je vide le caddie et, de nouveau, m'effondre sur le canapé. Mais l'heure court sur l'horloge. Il faut préserver un semblant de vie sociale : ne pas rester en pyjama toute la journée, déjeuner à des heures régulières et laver son assiette pour ne pas la laisser traîner dans l'évier. Je déjeune devant la télévision, luttant avec Mina qui veut voler d'un coup de patte une de mes ravioles. L'après-midi est bleue dans le ciel, par la fenêtre. Je retrouve à nouveau le canapé. J'ouvre Au pays des vermeilles de Noëlle Chatelet emprunté le matin même à la bibliothèque. Dès les premières pages, des larmes montent au coin de mes yeux. Je pense à ma mère. Je veux lui offrir ce livre. Hier, c'était son anniversaire.

Le jour s'étire. La Tour Eiffel s'est allumée au loin. Aujourd'hui, je n'ai pas avancé dans mes projets d'écriture, ni dans ceux de couture. Une petite douleur dans le dos me défiait de m'asseoir devant la machine à coudre ou l'ordinateur. Je lance Stacey Kent sur l'ITunes. Mina vient se lover contre mon ventre. La Sardine tremble doucement de l'autre côté de mon pull. Mais c'est tout juste perceptible. Elle n'a plus beaucoup de place, désormais, dans son petit habitacle.

Le soir est tombé dans l'appartement silencieux. O. va rentrer. Je l'attends déjà. Même si, au repas, je sais que je n'aurai rien à lui raconter. Je ne suis pas une femme d'intérieur, non, vraiment pas.

 

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