Parfois, non, souvent
Parfois, non, souvent. J'aimerais créer. Faire quelque chose, ou plutôt dire, exprimer. Transformer. Tout ce que je ressens, tout ce que je vois, tout ce que j'entends. Tout ce que je ne vois pas aussi, tout ce qui m'échappe, tout ce qui me pique et me gratte, tout ce qui me serre à la gorge. Tout ce qui s'envole, aussi léger que la caresse d'une plume, tout ce qui disparaît, aussi éphémère qu'une goutte de rosée au matin d'une journée d'été. Tout ça, tout ça, j'aimerais le transformer. En faire des mots, des phrases, des paragraphes, des textes. Arracher tout ça à la vie et en faire pour toujours et pour tous des émotions, des pensées et des réalités qui appartiendront à tout le monde. Mettre le monde en mots pour lui donner sens. Pour l'arracher au temps et à l'absurdité. Pour le partager. Parfois, non, souvent, je me dis que c'est peut-être ça qui est vraiment important : transformer l'informe, rendre sensé l'absurde.
Mais parfois, non, souvent, les mots m'échappent. Je ne les trouve pas. Ou bien j'attrape un mot, une image, mais je n'arrive pas à la dérouler, la hisser jusqu'au sens qui permettra le partage. Alors, à la place de la création, il y a le silence – le rien.
Ou bien parfois, non, souvent, j'ai la flemme des mots. J'en intercepte un, dans un demi-sommeil, avant que la nuit m'envahit. Mais je n'ai pas le courage de me laisser guider par le fil que j'ai à peine décousu du bout du doigt. Je me laisse prendre par l'oubli. Je laisse les mots dans le désordre et ne fait pas l'effort de les faire vivre. Je perds l'occasion. Je laisse le silence m'envelopper. Le lendemain, lorsque je me réveille, les mots sont restés collés aux rêves de la nuit. Il est trop tard pour prendre le temps de dire ce qui, la veille, s'est laissé séduire par l'oubli. Acte manqué, tant pis.
Parfois, non, souvent, j'ai envie d'écrire. Mais je n'écris pas. Mon désir reste lettre morte. Il y a juste la vie qui bat dans mes tempes. Et le silence, à la fois protecteur et ravageur. Un jour, quand je serai grande, j'arriverai peut-être à dire et vivre à la fois : dire pour mieux vivre, vivre pour mieux dire. Et créer cette grande œuvre qui court devant moi, zigzagant entre les pages blanches et les soupirs des lignes de partition.
Regards extérieurs, c'est ici !
Il y a un an.
Il y a deux ans. Il y a trois ans. Il y a quatre ans. Il y a cinq ans. Il y a six ans. Il y a sept ans. Il y a huit ans. Il y a neuf ans. Il y a dix ans. Il y a onze ans. Il y a douze ans. Il y a treize ans.
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