Vendredi 1er août 2013

Drôle d'été

C’est un drôle d’été. Un été qu’on a cru ne jamais arriver et qui nous faisait marcher avec les gros manteaux de laine et des bottes. Un été qui, finalement, a débarqué d’un coup, coupant le souffle sous la chaleur moite de la ville. Un été sans plage ni montagne aussi, longs mois estivaux qui s’étalent sur le bitume brûlant. En allant déposer la Sardine chez sa nounou, je regarde le ciel bleu qui se découpe tout en haut des grands immeubles de brique rouge. Bleu immaculé, sans une touche de nuage, sans une trace de poussière. Il y a rarement de tels ciels à Paris : des ciels parfaits qui sentent les embruns salés et la crème solaire, des ciels qui respirent la liberté. Le cœur de la ville continue de battre, mais au ralenti.

Déjà le mois d’août. A la télé, les mêmes reportages vont s’enchaîner : les « juilletistes » qui croisent les « aoutiens » et dans les campings les tentes qui se plient et laissent des marques d’herbe séchée pour laisser place à d’autres tentes qui sentent encore le renfermé. Je lève les yeux vers le ciel et je pense à tous ces étés passés. Il me semble en avoir vécu des milliers. Des étés vagabonds sur une île, au sommet d’une montagne, sur le ponton d’une plage, dans le jardin d’une vieille maison, ou dans un train bondé. Des étés en marche dans des grosses chaussures à semelle Gore-tex, dans des sandales usées ou bien pieds-nus – juste pieds-nus. Des étés légers où l’on oublie de regarder le temps qui passe (la montre et le téléphone ont été oubliés dans un coin de la valise). Je pense à tous ces étés (ai-je donc cent ans pour en avoir vécu autant ?) et pourtant il n’y a ni nostalgie, ni envie. L’été 2013 est citadin et ce n’est pas plus mal. Je remplis les papiers, appose ma signature à côté de celle de O. et on se regarde en disant « voilà une chose de réglée, maintenant la suivante ! » Quand je pense à tout ce qui est « à suivre », à tout ce qui nous attend dans les prochaines semaines, les prochains mois, j’ai le vertige. Je dois m’asseoir. Ou bien prendre la main de O. et la serrer fort contre moi. C’est indéniable, notre vie va changer. On ne vivra plus ici, on ne sera plus trois, je ne travaillerai plus pendant de longs mois. Je ferme les yeux et j’étouffe les questions sans réponse (aura-t-on notre prêt ? les travaux se passeront-ils dans les délais ? vendra-t-on bientôt notre appartement ? comment se passera la naissance du bébé ? la Sardine ira-t-elle à l’école ? et vais-je réussir à trouver un mode de garder pour l’enfant qui va naître ?). J’ouvre la porte du congélateur et me laisse inonder par la fraîcheur. Je prends une glace et vais la manger sur le canapé du salon. Les fenêtres et les volets sont fermés pour ne pas faire entrer la chaleur, ni entendre les moteurs de la rue. Je suis bien, sur mon canapé, avec ma glace à la vanille. Je n’ai pas envie d’aventure ni de découverte. Pas envie de partir loin. Pas envie que tout change le temps de vacances. J’ai juste besoin de m’allonger sur mon canapé et de prendre une grande respiration. Pour être prête, pour être forte. Et vivre les aventures qui m’attendent après l’été.

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