22 novembre 1999

Salut Eva !!!

Ca y est, j'ai fini...
Il ne faut pas cesser d'écrire Fred ! Lire d'accord, lire les bons journaux encore mieux, mais écrire aussi, Fred, écrire !

Eva.

... et voilà comment ça finissait.
Ok, mais tu sais comment je fonctionne ; on me met sur une piste et je fonce jusqu'à atteindre le but, ou la limite de mes forces, en tout cas le plus vite possible que ce soit sur 2, 4 ou 8 roues ou roulettes...

Ou parfois, jusqu'à ce que la "porte" se ferme (violemment) sur mon nez !!!
Et depuis une semaine, il y en a quelques unes qui se sont fermées, et ce soir, je viens d'en voir une ouverte (eh, oui, excuses-moi jeune-homme, je n'avais pas bien surveillé ce couloir-là, et je viens seulement d'y voir ta petite lumière...).

Bon, en gros mes pérégrinations professionnelles avancent en ce moment tant bien que mal (plutôt mal que bien à mon goût, d'ailleurs... et qu'on ne parle pas d'impatience !), et lundi dernier, la raison eut raison de la passion ; et aussi passionnante aurait pu être cette proposition, aussi illusoire aurait-il été d'aller plus loin dans la discussion... Deuxième mouvement du Yoyo... vers le bas donc, après la pirouette qu'avait fait l'engin aux débuts de ces conversations.

Mais bah, la semaine n'était pas fini, elle ne faisait que commencer même et elle devait se terminer de façon plus raisonnable, d'où l'un des sous-titres de cette page-là. Et le banal, le classique, peut aussi par les temps qui courent être source de satisfaction. Donc ce vendredi-là était plutôt à classer dans les "bons jours"... Réponse lundi, mais votre dossier est intéressant, je crois que je vais le retenir, donc suite probable jeudi 25... troisième mouvement du yoyo ; vers le haut cette fois.
Ca, c'était vendredi ; et aujourd'hui quatrième mouvement : "Non, je n'ai finalement pas retenu votre candidature, pas assez ceci, trop cela..." le yoyo a une ficelle quand il monte et un élastique quand il descend... drôle d'engin, mais il ne fait pas de lumière ni de musique...

Par contre il sait réserver de belle(s) surprise(s).
Cette après-midi, impossible de relever mon courrier à l'"extérieur" comme d'habitude. Je dois donc "subterfuger" avec hotmail qui me relève tout un tas de vieilles bal, paramètrées à une autre époque, et là plein d'inattendu ; Pat, dont je n'avais plus de nouvelle depuis des lustres et qui devait se demander si j'avais complètement viré zombie et Gargil... à qui maintenant je peux répondre !

Pourquoi maintenant ?

Parce que pour moi un journal, c'est comme un roman, une BD, ou un film... ça a un début, une histoire, des héros qui "grandissent" au fur et à mesure du récit, des parenthèses, des personnages secondaires qui font partie de ce tout, qui définissent, qui précisent le ton, l'ambiance que veulent donner l'auteur, le dessinateur ou le réalisateur...

... et puis une fin !

Et la fin d'un journal, c'est aujourd'hui ; puisque la page de demain n'est pas encore écrite : et moi quand j'aime lire ces pages, je ne peux pas faire autrement que d'aller de la première à la dernière, sans reprendre mon souffle, en apnée : comme d'autre(s) traverse(nt) la piscine... ;-))

Donc, la semaine dernière j'ai lu "tout" ce que le Tisserand a tissé depuis le premier jour ; et cet après-midi, je me suis aperçu qu'il m'avait aussi fait parvenir un petit morceau de sa toile. Alors, le yoyo a repris sa course...

Voilà, Eva, si j'avais pu, je t'aurais parlé de ces étranges personnages que j'essaye de remarquer autour de nous ; tu vois, ce vieux monsieur l'autre matin, petit, avec ses longs cheveux blancs qui dépassaient sous sa casquette de toutes les couleurs, tu sais comme les bonnets péruviens, du jaune, du rouge, de l'orange, du bleu, du violet ; toutes les couleurs de l'arc en ciel, en de larges cercles concentriques bariolés qui faisaient qu'on remarquait son arrivée de si loin que j'ai eu quelques minutes pour me demander ce qui pouvait bien se cacher sous ce drôle de couvre-chef ; sans bien sûr trouver le début d'un soupçon de réponse intelligente...
Ou cette jeune fille, l'autre jour, dans cette cabine téléphonique ; enfin pas exactement une cabine, plutôt tu sais, ces espèces de bulles modernes qui n'abritent ni du vent ni encore moins de la pluie et devant laquelle elle était en train de téléphoner... depuis son portable !

Enfin, une semaine comme les autres, quoi !!!
Et toi ???

As-tu trouvé un nom à ton aristochaton ? Ton proviseur t'a-t-il oté la classe que l'on t'avait adjoint ? Ta maxime a-t-elle transformé le bus en pierre ?
As-tu passé un bon week-end ? Que sais-je encore ? As-tu été authentique ?

Bonsoir Fred !

Oui, j'ai senti que tu te demandais si tu allais continuer ce journal. Je ne voulais pas écrire avant que tu ne saches vraiment ce que tu voulais faire. Car si tu arrêtais cela remettait toute ma façon d'écrire en question, et si d'un côté les yeux se fermaient, je ne sais pas comment les autres yeux parviendraient à rester ouverts. Ne nous posons pas la question, non ?

Mon yoyo à moi est posé sur un coin de ma table. Pour l'instant, il ne bouge pas beaucoup, oubliant de monter, mais ne cherchant pas non plus à descendre.

Pour répondre à tes questions :
- Non, pas encore de nom pour mon petit chat... dont j'ignore encore de façon certaine si ce sera une fille ou un garçon !
- Ben, non, il n'est pas question de m'enlever cette classe. Il faut bien que je fasse avec jusqu'à la fin de l'année, quelque soit l'état dont j'en sorte. Le rendez-vous de vendredi dernier avec le proviseur, c'était juste pour une question d'emploi du temps... sans grande importance ! Un yoyo est toujours trop anxieux !
- Non, ni le bus ni moi ne sommes devenus pierre... même lorsqu'il s'agit de continuer à avancer quand même malgré les pierres situées sur le chemin. Un yoyo est toujours sinueux !
- Oui, j'ai passé un bon week-end, dans ma famille. J'aurais pas mal de choses à te raconter sur ce que j'ai fait là bas, mais c'est déjà loin, et je préfère te parler de mon retour à Evaville. Je ne suis pas sûre de répondre à ta dernière question, mais je voudrais te raconter une petite histoire...

Je t'ai déjà parlé de ma curiosité pour les gares et de la fascination que j'ai à observer les gens dans ce genre de lieux. Lorsque je le peux, je monte de préférence dans les wagons à compartiments, plutôt que dans ceux où il y a des places de deux. Ne trouves-tu pas cela étrange de se retrouver ainsi, pour un temps plus ou moins long, avec des gens que tu ne connais pas à partager pourtant leur espace, et peut-être un petit peu de leur vie ? Il se crée une sorte d'intimité entre les voyageurs, quand bien même chacun veut rester dans son coin et ne lève pas la tête de son journal.

Cette fois-ci, lorsque je suis entrée dans le compartiment que j'avais choisi, il n'y avait encore personne. J'ai sorti mes papiers et mes copies à corriger (oui, encore des copies !). Quelques minutes plus tard, une jeune fille blonde est venue s'asseoir deux places à côté de moi, avant qu'une autre jeune femme, aux cheveux courts et bruns, n'entre à son tour s'installer sur un des sièges en face de nous. La fille blonde a sorti un livre, la brune a ouvert son France Soir. Puis le train a démarré. Un homme est alors entré dans notre compartiment, demandant s'il restait des places libres. Tout d'abord, je n'ai pas vraiment levé les yeux vers lui. Il s'est assis à côté de la fille brune. Très vite, il s'est mis à lui adresser la parole : "vous avez de belles chaussures, Mademoiselle !". La fille était un peu surprise. Elle lui a répondu poliment, puis a repris sa lecture. Mais il insistait : "vous les avez acheté où ? et comment vous faites pour les mettre ? il y a une fermeture éclair ?". La fille a commencé à se marrer face à cette curieuse curiosité : "C'est étrange que vous ayez un intérêt si développé pour les pieds des femmes !" La fille avait décidé de prendre ça à la légère, de façon ironique aussi, répondant très sérieusement à ses questions qui pourtant frôlaient l'absurde. D'ailleurs, on se lançait de petits sourires. Car le type s'est aussi tourné vers la jeune fille blonde : "et vous, vos chaussures, elles sont en quelle matière ?"... puis vers moi : "vous avez les mêmes bottines que Mademoiselle, non ? comment vous les enfilez ?" C'était surréaliste. On était toutes les trois hilares. La fille brune a dit à l'obsédé-cordonnier : "mais c'est du fétichisme !". Il ne savait pas ce que ce mot signifiait. Il s'est méfié, croyant que c'était une injure. La jeune femme l'a rassuré. Il nous a demandé à chacune notre pointure : 39, 41, 36. Lui faisait du 44. Il a même demandé à la fille blonde d'ôter ces chaussures, pour mieux les voir. La fille brune essayait de comprendre : "mais pourquoi aimez-vous autant les pieds féminins ?". Il ne savait pas répondre.

Il se passe des choses étranges dans les trains. Ce sont plutôt les gens eux-mêmes qui sont étranges. En repensant à cette scène, je ne sais pas si je dois en rire ou me la rappeler avec tristesse. Car ce gars ne se rendait pas compte combien il était comique. Il voyait qu'il était dans un compartiment avec trois jolies jeunes femmes et il essayait maladroitement de les draguer, sans s'apercevoir qu'il était complètement à côté de la plaque. J'ai ri, mais ce rire n'était pas très sain. Car dans son sac ouvert dans lequel il faisait tomber sa cendre de cigarette, j'ai vu un papier sur lequel était inscrit "Préfecture de police". Car il nous a raconté qu'il n'avait pas de parents et qu'il venait de la DASS. Car il nous a avoué, sans d'ailleurs n'y voir aucun mal, qu'il fumait des joints le plus souvent possible. Car visiblement il avait un handicap physique et n'avait pas tout l'usage de ses bras.

Finalement, cet homme était touchant. Il était dans son monde, un monde fait de chaussures, de sandales et de bottes. Mais on sentait qu'il avait été contraint de s'y réfugier pour se protéger des coups de pieds que la vie avait dû lui donner et qui avait dû tant le faire souffrir. Regarder les chaussures des dames était peut-être un moyen de ralentir, sinon d'arrêter le mouvement de descente du yoyo...

Eva.

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