Ca y est, j'ai fini...
Eva. ... et voilà comment ça finissait. Ou parfois, jusqu'à ce que la "porte" se ferme (violemment) sur mon nez !!! Bon, en gros mes pérégrinations professionnelles avancent en ce moment tant bien que mal (plutôt mal que bien à mon goût, d'ailleurs... et qu'on ne parle pas d'impatience !), et lundi dernier, la raison eut raison de la passion ; et aussi passionnante aurait pu être cette proposition, aussi illusoire aurait-il été d'aller plus loin dans la discussion... Deuxième mouvement du Yoyo... vers le bas donc, après la pirouette qu'avait fait l'engin aux débuts de ces conversations. Mais bah, la semaine n'était pas fini, elle ne faisait que commencer même et elle devait se terminer de façon plus raisonnable, d'où l'un des sous-titres de cette page-là. Et le banal, le classique, peut aussi par les temps qui courent être source de satisfaction. Donc ce vendredi-là était plutôt à classer dans les "bons jours"... Réponse lundi, mais votre dossier est intéressant, je crois que je vais le retenir, donc suite probable jeudi 25... troisième mouvement du yoyo ; vers le haut cette fois. Par contre il sait réserver de belle(s) surprise(s). Pourquoi maintenant ? Parce que pour moi un journal, c'est comme un roman, une BD, ou un film... ça a un début, une histoire, des héros qui "grandissent" au fur et à mesure du récit, des parenthèses, des personnages secondaires qui font partie de ce tout, qui définissent, qui précisent le ton, l'ambiance que veulent donner l'auteur, le dessinateur ou le réalisateur... ... et puis une fin ! Et la fin d'un journal, c'est aujourd'hui ; puisque la page de demain n'est pas encore écrite : et moi quand j'aime lire ces pages, je ne peux pas faire autrement que d'aller de la première à la dernière, sans reprendre mon souffle, en apnée : comme d'autre(s) traverse(nt) la piscine... ;-)) Donc, la semaine dernière j'ai lu "tout" ce que le Tisserand a tissé depuis le premier jour ; et cet après-midi, je me suis aperçu qu'il m'avait aussi fait parvenir un petit morceau de sa toile. Alors, le yoyo a repris sa course... Voilà, Eva, si j'avais pu, je t'aurais parlé de ces étranges personnages que j'essaye de remarquer autour de nous ; tu vois, ce vieux monsieur l'autre matin, petit, avec ses longs cheveux blancs qui dépassaient sous sa casquette de toutes les couleurs, tu sais comme les bonnets péruviens, du jaune, du rouge, de l'orange, du bleu, du violet ; toutes les couleurs de l'arc en ciel, en de larges cercles concentriques bariolés qui faisaient qu'on remarquait son arrivée de si loin que j'ai eu quelques minutes pour me demander ce qui pouvait bien se cacher sous ce drôle de couvre-chef ; sans bien sûr trouver le début d'un soupçon de réponse intelligente... Enfin, une semaine comme les autres, quoi !!! As-tu trouvé un nom à ton aristochaton ? Ton proviseur t'a-t-il oté la classe que l'on t'avait adjoint ? Ta maxime a-t-elle transformé le bus en pierre ?
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Oui, j'ai senti que tu te demandais si tu allais continuer ce journal. Je ne voulais pas écrire avant que tu ne saches vraiment ce que tu voulais faire. Car si tu arrêtais cela remettait toute ma façon d'écrire en question, et si d'un côté les yeux se fermaient, je ne sais pas comment les autres yeux parviendraient à rester ouverts. Ne nous posons pas la question, non ? Mon yoyo à moi est posé sur un coin de ma table. Pour l'instant, il ne bouge pas beaucoup, oubliant de monter, mais ne cherchant pas non plus à descendre. Pour répondre à tes questions : Je t'ai déjà parlé de ma curiosité pour les gares et de la fascination que j'ai à observer les gens dans ce genre de lieux. Lorsque je le peux, je monte de préférence dans les wagons à compartiments, plutôt que dans ceux où il y a des places de deux. Ne trouves-tu pas cela étrange de se retrouver ainsi, pour un temps plus ou moins long, avec des gens que tu ne connais pas à partager pourtant leur espace, et peut-être un petit peu de leur vie ? Il se crée une sorte d'intimité entre les voyageurs, quand bien même chacun veut rester dans son coin et ne lève pas la tête de son journal. Cette fois-ci, lorsque je suis entrée dans le compartiment que j'avais choisi, il n'y avait encore personne. J'ai sorti mes papiers et mes copies à corriger (oui, encore des copies !). Quelques minutes plus tard, une jeune fille blonde est venue s'asseoir deux places à côté de moi, avant qu'une autre jeune femme, aux cheveux courts et bruns, n'entre à son tour s'installer sur un des sièges en face de nous. La fille blonde a sorti un livre, la brune a ouvert son France Soir. Puis le train a démarré. Un homme est alors entré dans notre compartiment, demandant s'il restait des places libres. Tout d'abord, je n'ai pas vraiment levé les yeux vers lui. Il s'est assis à côté de la fille brune. Très vite, il s'est mis à lui adresser la parole : "vous avez de belles chaussures, Mademoiselle !". La fille était un peu surprise. Elle lui a répondu poliment, puis a repris sa lecture. Mais il insistait : "vous les avez acheté où ? et comment vous faites pour les mettre ? il y a une fermeture éclair ?". La fille a commencé à se marrer face à cette curieuse curiosité : "C'est étrange que vous ayez un intérêt si développé pour les pieds des femmes !" La fille avait décidé de prendre ça à la légère, de façon ironique aussi, répondant très sérieusement à ses questions qui pourtant frôlaient l'absurde. D'ailleurs, on se lançait de petits sourires. Car le type s'est aussi tourné vers la jeune fille blonde : "et vous, vos chaussures, elles sont en quelle matière ?"... puis vers moi : "vous avez les mêmes bottines que Mademoiselle, non ? comment vous les enfilez ?" C'était surréaliste. On était toutes les trois hilares. La fille brune a dit à l'obsédé-cordonnier : "mais c'est du fétichisme !". Il ne savait pas ce que ce mot signifiait. Il s'est méfié, croyant que c'était une injure. La jeune femme l'a rassuré. Il nous a demandé à chacune notre pointure : 39, 41, 36. Lui faisait du 44. Il a même demandé à la fille blonde d'ôter ces chaussures, pour mieux les voir. La fille brune essayait de comprendre : "mais pourquoi aimez-vous autant les pieds féminins ?". Il ne savait pas répondre. Il se passe des choses étranges dans les trains. Ce sont plutôt les gens eux-mêmes qui sont étranges. En repensant à cette scène, je ne sais pas si je dois en rire ou me la rappeler avec tristesse. Car ce gars ne se rendait pas compte combien il était comique. Il voyait qu'il était dans un compartiment avec trois jolies jeunes femmes et il essayait maladroitement de les draguer, sans s'apercevoir qu'il était complètement à côté de la plaque. J'ai ri, mais ce rire n'était pas très sain. Car dans son sac ouvert dans lequel il faisait tomber sa cendre de cigarette, j'ai vu un papier sur lequel était inscrit "Préfecture de police". Car il nous a raconté qu'il n'avait pas de parents et qu'il venait de la DASS. Car il nous a avoué, sans d'ailleurs n'y voir aucun mal, qu'il fumait des joints le plus souvent possible. Car visiblement il avait un handicap physique et n'avait pas tout l'usage de ses bras. Finalement, cet homme était touchant. Il était dans son monde, un monde fait de chaussures, de sandales et de bottes. Mais on sentait qu'il avait été contraint de s'y réfugier pour se protéger des coups de pieds que la vie avait dû lui donner et qui avait dû tant le faire souffrir. Regarder les chaussures des dames était peut-être un moyen de ralentir, sinon d'arrêter le mouvement de descente du yoyo...
Eva. |
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Novembre | ![]() |