Vendredi 28 juin 2002
Les aventures d'Eva et de son Personal Computer
(récit ubuesque en 4 épisodes imagés)
Prologue
Eva et son pécé vivaient des jours heureux, lui posé fièrement sur le bureau blanc, elle coincée nonchalemment dans le fauteuil gris. Elle lui grattait les touches du bout des doigts. Il lui envoyait pleins d'images dans les yeux. Non, il n'y a pas à dire : si l'histoire s'arrêtait là, elle ne vaudrait pas le coup d'être racontée. C'est pas romanesque le bonheur. C'est pas ça qui fait les histoires. Pour faire une histoire, il faut de l'action. Et puis de l'action musclée s'il vous plaît. Sinon c'est pas marrant. Bon, alors, voilà, on va vous mettre un peu d'action...
Episode 1
Un bon plantage, ça vous irait, comme action ? Non, ce n'est pas assez exaltant comme malheur, n'est-ce pas ? Alors si nous faisions mourir notre petit pécé ! Hop, une balle en plein coeur et voilà qu'il ne respire plus. Vide absolu. Silence infernal. Néant abyssimal. La touche on du pécé qui ne répond plus.
A cette étape de l'histoire, il faut imaginer Eva horrifiée, la terreur de l'absence se crispant sur ses lèvres d'où jaillit le cri du désespoir. Elle n'était pas bien belle à voir, Eva, ce soir là, devant son pécé mort. Il y avait toute la misère du monde dans ses yeux et toute la désespérance sonore de la fureur au fond de sa gorge. Ça donnait à peu près ça :

C'était pas beau à voir. Heureusement que vous n'étiez pas là pour voir ça. Les âmes sensibles ici présentes n'auraient pas supporté un tel spectacle. Episode 2
Mais la vie est plus fort que tout. C'est bien connu. On voit que ça dans les téléfilms américains de M6 : des gens malheureux qui, malgré tout, continuent à vivre, parce qu'il le faut bien, parce que la vie c'est une habitude aussi et qu'on ne se défait pas si facilement de cette habitude là.
Alors Eva s'organisa. Elle était décidée à tenir le siège et à résister à la panne intempestive de son pécé. Elle l'envoya chez un Docteur, lui faisant un bisou (au pécé, pas au docteur) entre le lecteur de disquette et le lecteur de CD avant de le quitter, pour qu'il soit fort et qu'il n'ait pas peur des messieurs qui iraient lui ouvrir le ventre pour en sortir la méchante tumeur.
Le pécé parti, ce n'était pas facile de vivre sans lui. A chaque fois qu'elle regardait vers le bureau, elle voyait l'absence. Les fils qui traînaient dans le vide, sans but, sans destination, sans finalité. Des fils de pécé sans ordinateur, c'est un cordon ombilical sans maman, un baton d'esquimau sans glace à la vanille, un lacet sans chaussure... que sais-je encore ? Bref, pas besoin de vous faire un dessin, vous avez compris. Il y avait les fils, mais il n'y avait pas l'unité centrale - le coeur des méga-octets, l'âme des pixels. Ça donnait ça :

(Note du photographe : il y a un fil intrus sur la photo. Un épais cordon noir et poilu avec une bête féline pas commode au bout. Je pense que vous l'avez remarqué de vous même)
Pour résister à la solitude, Eva s'entoura d'un vieil ami. C'était un mini-pécé qui datait de l'avant-guerre (quelle guerre, me dites vous ? peu importe, il y en a tellement des guerres stupides). Le mini-pécé était sympa, mais il ne savait pas faire grand chose le pauvre. Alors Eva était frustrée. Elle ne pouvait qu'écrire des textes toute seule dans son coin, et aligner des mots sans les montrer aux autres pour qu'ils puissent les admirer, ce n'est vraiment pas la joie. S'il n'y a pas un fil téléphonique au bout du pécé, on ne peut pas faire de grande oeuvre. Car il n'y a pas de grande oeuvre sans grand public (n'est-ce pas, chers lecteurs ?).

Episode 3
Pendant ce temps là, le docteur en ordinateur (appelons le Doc Ordi) était censé bosser. Mais quinze jours après avoir reçu le pécé en consultation, il n'avait toujours rien fait. Eva n'était pas contente. Alors elle alla voir Doc Ordi. Mais Doc Ordi n'était pas bien malain. Enfin, il n'était pas malain dans le bon sens, disons (c'est-à-dire dans le sens de l'honnêteté). Il ressemblait un petit peu à cet homme là :

Ce n'est pas que Docteur Ordi était de petite taille (remarquez que nous sommes politiquement corrects et que nous n'avons rien contre les n..., pardon les "personnes de petite taille"). Mais Docteur Ordi était nain du bulbe. Son cerveau était tout petit petit petit. Il n'avait peut-être pas trouvé la panne du pécé. En tous les cas, il n'avait pas été fichu de rédiger un devis en quinze jours de temps. Il pouvait seulement dire à Eva que ça lui coûterait très très très cher et qu'il faudrait attendre très très très longtemps. Mais devant ces paroles, Eva ne sut qu'être très très très en colère. Elle voulut reprendre son pécé. Docteur Ordi ne voulait pas lui rendre. Alors Eva alla chercher son Papa et menaça Doc Ordi : "mon Papa, il est très fort, alors gare à toi !" Doc Ordi, qui n'était pas bien vaillant, prit peur et rendit enfin le pécé à la demoiselle.
Episode 4
Le pécé ne marchait toujours pas. Alors il fallait bien le réparer quand même. Eva alla donc chez un nouveau Docteur. Un Docteur qui avait tous ses diplômes, lui, et qui avait un bulbe au contenu un peu plus épais. En cinq minutes chrono, il trouva la panne. C'était la carte mère qui était H.S. (quand on vous parlait de cordon ombilical, on n'avait pas tort tout à l'heure).
" Alors, on opère ?" dit le gentil et compétent Docteur. "Oui, je veux repartir avec demain.". Eva revint le lendemain à la même heure. Le pécé était là, qui l'attendait, de nouveau tout fier. Il avait même de nouvelles raisons d'être fier : un processeur à 1, 3 GHZ et une mémoire vive à 320 Mo, ça a de quoi vous rendre fier le plus modeste des ordinateurs.
Epilogue
Que voulez-vous raconter en conclusion ? Eva fut de nouveau heureuse, bien sûr. Elle avait récupéré son pécé, et avec lui ses mots, ses photos, ses histoires, ses amis, son travail aussi. Et puis enfin elle avait retrouvé son modem et elle pouvait donner à lire tous ses malheurs. Et un malheur raconté et partagé, ça devient presque un bonheur, non ?
the end