Quoi de mieux qu'un premier jour de la semaine, d'un nouveau mois qui plus est, pour initier une nouvelle mise en page ? Oh, je n'ai pas changé grand chose. J'ai pris les mêmes éléments qu'avant, et je l'ai juste disposés un peu différemment. D'abord parce que je me suis aperçue que certaines pages s'affichaient mal sur d'autres écrans que le mien. Ensuite parce que je ne supportais plus de voir toujours la même première page en ouvrant mes Regards Solitaires. J'aurais aimé faire un changement plus radical, casser les couleurs, les images, les formes, et tout révolutionner. Mais je ne suis pas très douée en HTML et puis mon imagination créative est bien limitée quand il est question de graphisme et de dessins. Il faudrait tout de même que je prenne le temps de refaire un titre pour mettre tout en haut de la page. C'est pas bien beau ce "Regards solitaires" tout baveux. (Mais si un gentil lecteur veut faire ça pour moi, je suis preneuse. Ouh la grosse flemmarde que je suis !).Je voulais mettre une photo sur la page d'accueil. Une photo qui représenterait cet espace d'écriture. J'ai regardé une à une toutes mes photos pendant un long moment (car j'ai vraiment beaucoup de photos en réserve depuis que j'ai mon numérique), sans trouver ce qui me convenait vraiment. Au début, je voulais que mes Regards Solitaires s'ouvrent sur mes yeux. Cela aurait été cohérent. Mais en le voyant en photo, je ne l'ai décidément pas trouvé bien beau mon regard. Alors j'ai changé de piste, et je me suis décidée pour cette photo de mon ombre portée que j'avais déjà affichée et commentée l'année dernière, un peu à la même époque. J'ai une vraie fascination pour les reflets et les ombres. Je rêve de faire un recueil où il n'y aurait que des photographies de moi interceptée sur une surface réfléchissante aussi incongrue qu'une flaque d'eau, un écran de télévision ou une petite cuillère, une ombre projetée sur les feuilles d'automne, ou même le miroir arrondi de ma table de toilette ou bien de l'ascenseur.
Je ne sais d'où vient cette attirance pour mon propre reflet. Est-ce par pur narcissisme ? Non, je ne crois pas. Je ne suis pas amoureuse de moi-même. Au contraire, bien souvent, je me déteste. Ce n'est pas mon reflet parfait dans le miroir que je recherche - cette image directe et sans détour de ma propre apparence qui jaillit avec prétention à chaque fois que je lève la tête vers la glace de la salle de bain. Non, cette image là est trop lisse, trop plate - trop agressive aussi. Elle me ressemble trop. Comme une photo maton, elle croit pouvoir saisir l'objective vérité de mon apparaître, alors qu'en réalité, figée sur la surface glacée du miroir, elle ne comprend rien du tout à ce que je suis. Narcisse aime une image pure et parfaite de lui-même. Il ne faut pas que l'eau soit troublée par des vaguelettes lorsqu'il se contemple à la surface du lac, sinon il ne se reconnaît plus. Moi, au contraire, je me reconnais lorsque les images de moi-même sont troubles, floues et incertaines. J'aime mon reflet lorsqu'il est déformé. La vérité trop crue, trop dure, trop sourde du miroir me fait peur. Je préfère les images menteuses - celles qui métamorphosent mon apparence pour lui donner une forme qu'elle n'a pas. Je ne m'aime pas telle que je suis, mais telle que je me forme, telle que je me construis, telle que je me crée. Je ne cherche pas les imitations de moi-même sur la surface du miroir, mais les analogies qui redessinent le contour de ma silhouette en dissimulant plus qu'en montrant.
C'est pour cela que finalement mon ombre démesurément allongée sur cette route à la tombée du soleil est l'image la plus représentative que l'on peut trouver de ce journal. Elle me ressemble bien cette ombre gigantesque, puisque c'est bel et bien moi. Mais elle n'a pas la vérité crue et froide de la photographie d'école. Dans sa forme si longue et si grande, elle ne montre en réalité qu'une toute petite partie de moi-même. La partie de moi-même que j'accepte de partager, celle même, tout simplement, que j'accepte de regarder. Dans les mots, je me crée plus belle que je ne suis, comme si mes phrases étaient des bijoux dont je pourrais me parer pour me présenter aux regards étrangers.
Je n'ai pas envie de disparaître derrière mon image. J'habite cette image autant qu'elle m'habite. Je ne veux pas non plus me glisser au fond de mon reflet dans l'eau, comme une Ophélie shakespearienne. Mais enfin, toujours, cette image de moi-même me poursuit et me rattrape. Comme pour crier que jamais je ne lui échapperai. Un petit peu comme dans la chanson de Keren Ann, dans son refrain qui semble se perdre entre les vagues et les larmes :
Mon double dans l'eau trouble
Ravive dans l'eau vive
Mon ombre dans l'eau sombre
Mon ange dans l'orangeUn ange, c'est la moitié dorée d'une or-ange. Et mon ombre, c'est le double grandi de moi-même. Ce dernier ne risque pas de disparaître, et c'est peut-être tant mieux finalement.
P.S. : Une mauvaise manoeuvre m'a fait perdre tous les messages que j'ai reçus ces dernières semaines. Est-ce que les deux nouveaux lecteurs qui m'ont écrit (il y a une éternité maintenant) et auxquels je n'ai toujours pas répondu pourraient me renvoyer leur e-mail afin qu'enfin je puisse leur écrire ?