Mardi 4 octobre 2005

L'essentiel
L’ennemi numéro un en toutes choses, c’est le manque de disponibilité d’esprit. C’est de penser à des tas de choses sans grand intérêt qui paralysent la concentration et font qu’on en oublie l’essentiel. C’est ce que je déteste le plus dans le fait d’être devenue adulte et d’(être supposée) avoir des responsabilités : je ne sais plus être ouverte à l’imprévu, au léger et au poétique. Dit comme cela, cela peut paraître prétentieux. Pourtant c’est vrai : je suis tellement obnubilée par des problèmes sans importance (je veux dire sans importance ontologique – existentielle) que j’en oublie de regarder autour de moi et que je ne pense plus à observer tout ce qui ne se voit pas spontanément. J’ai la sale conviction que ma façon d’écrire s’en ressent et que c’est pour cette raison que je n’arrive plus à écrire ici comme avant : je suis parasitée par le quotidien terne et je ne sais plus laisser venir les mots à moi. Les mots qui s’imposent des choses et qui crient pour être écrits sont la matrice de toute écriture. Ces mots-là, il me semble que je ne sais plus les entendre aussi bien qu’auparavant.

Le plus grave, c’est que le soir, en revenant chez moi, je ne suis plus titillée par l’envie d’écrire. Mon esprit est tout entier tourné vers ces tâches trop matérielles pour être réellement intéressantes : la liste des courses à acheter, les plats à préparer pour le dîner, la litière du chat à changer, le linge à repasser… Il y a tellement d’obligations du quotidien qui viennent envahir les journées que cela bouffe toute la place et qu’il ne reste plus rien pour le reste. Je veux dire pour ce reste qui est tout… pour ce reste qui est finalement à lui seul l’essentiel.

En amour, c’est pareil. Le quotidien avec ses nécessités terre à terre prend tellement d’importance qu’on se demande parfois s’il daignera laisser de la place pour les vrais sentiments. Voilà qu’on se retrouve avec un prêt à rembourser jusqu’en 2020 et déjà je ne suis plus comme avant. J’ai peur de ne plus pouvoir payer les sommes mensuelles. Je fais des décomptes pour calculer si on peut acheter une machine à laver ce mois-ci ou s’il faut attendre encore quelques semaines. Le soir, dans le lit, avec O. on discute de ces chiffres. On ne veut pas parler d’argent, mais c’est tout de même la conversation qui revient toujours. Et qui se solde à chaque fois par les mêmes tensions. J’aimerais que l’argent ne se soit pas insinué entre nous, qu’on n’ait pas à en parler si souvent tous les deux. Car l’argent ne peut pas être devenu cet essentiel entre nous, n’est-ce pas ?

Je voudrais penser que l’essentiel est dans les rires, les regards et les caresses. Dans les rêves, les musiques et les poèmes aussi. Et surtout dans tout ce qui ne se dit pas, dans tout ce qui ne se voit pas, mais qui se ressent au fond de soi. J’aimerais avoir chaque jour une heure ou deux pour me concentrer sur l’essentiel. Pour le laisser venir jusqu’à moi, doucement. Pour qu’il m’enroule de ses mots et de ses images. Et surtout pour qu’il me redonne l’envie d’aimer et d’écrire.

Petit déjeuner au lit



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