C'est Noël demain. Déjà ! Il y a deux semaines à peine, il me semblait que c'était les vacances d'été. Comme c'est étrange de se retrouver ainsi, du jour au lendemain, en plein hiver. J'essaie de me souvenir des Noëls de ces dernières années, des Noëls avec O. Est-ce parce que le temps a passé trop vite ? Je n'arrive plus à distinguer les années les unes des autres. Noël dernier, nous le fêtions chez nous, ça je m'en souviens, car nous venions tout juste de finir les travaux d'emménagement. Mais le Noël d'avant ? Est-ce au Noël d'il y a deux ans qu'il y avait mes parents chez les parents d'O. ? Est-ce cette année-là qu'O. m'a offert des boucles d'oreille ? Je n'arrive plus à savoir. C'est un peu comme si dans ma mémoire il y avait une grosse case sur laquelle serait inscrit "Noël" mais à l'intérieur de laquelle toutes les images se confondraient indifféremment, sans tenir compte des années et du temps qui passe.
Cette année, dans notre grand salon, il y a un sapin de Noël. Un vrai sapin qui, lorsqu'on l'a déballé de sa fine enveloppe blanche, sentait encore un petit peu la forêt et les balades entre les pins. Je ne voulais pas d'arbre, à cause des épines qui viennent s'amonceler sur le tapis et des coups d'aspirateur supplémentaires à passer. A cause aussi des milliers de sapins qui, dès le 26 décembre, viennent finir leur existence sur le trottoir, au milieu des emballages de jouets éventrés et des coquilles d'huîtres vides. Je ne voulais pas d'arbre, mais O. a tellement insisté que j'ai fini par accepter. Prosaïquement, je me suis dit qu'on disposerait le sapin juste en dessous de la grande tache du plafond (offerte par le dégât des eaux du voisin) et qu'ainsi cela cacherait un petit peu le malheureux sinistre. Alors, on a tout fait dans les règles. Un dimanche matin, O. est revenu du marché avec un grand arbre qui dépassait du caddy. On a ressorti les décorations de la cave et on en a acheté d'autres pour compléter les vieilles guirlandes. On a disposé une guirlande clignotante sur les branches de l'arbre et la grande guirlande de coeurs rouges autour du canapé. Puis, au fur et à mesure des achats, on a calé les cadeaux au pied du sapin pour qu'ils attendent fébrilement le jour J.
J'ai toujours trouvé l'agitation autour de Noël plutôt détestable. La fête obligée, les cadeaux comme victoire ostentatoire de la puissance consommatrice de notre société, le gâchis et les inégalités toujours trop visibles. Tout ça. Mais lorsqu'O. a sorti le sapin de son emballage, lorsqu'il a orné l'arbre avec les boules scintillantes, lorsqu'il est revenu un samedi après-midi avec les bras chargés de cadeaux, il y avait à chaque fois une étincelle de joie dans son regard. Dans ses yeux, sur ces lèvres, il y avait ce signe de bonheur rejailli du passé de l'enfance. J'ai su alors que ce sapin qui trônait dans notre salon ne célébrait pas le Noël 2006, mais représentait à lui seul tous les Noëls du passé - ces Noëls au goût d'enfance, ces Noëls où on ignorait ce que pouvait bien signifier l'expression "fête commerciale" et où l'on croyait sans l'ombre d'un doute que le Père Noël allait descendre par la cheminée pour déposer des cadeaux aux enfants sages.
Alors finalement, je me suis dit que cela vaudrait peut-être le coup de jouer le jeu. Le jeu d'y croire. Un petit peu. Par amour pour lui et en mémoire de nos enfances.
Bonnes fêtes à vous !
Il y a un an.
Il y a deux ans. Il y a trois ans. Il y a quatre ans. Il y a cinq ans. Il y a six ans. Il y a sept ans. |