Mercredi 24 octobre 2007

 

Extime

Il y a des jours où j'ai envie d'écrire un nouveau Regard extérieur, mais où, justement, je n'ai strictement rien à écrire. Pourtant, j'ai marché dans la rue, j'ai pris le métro, j'ai croisé des tas de gens dans les magasins ou sur le trottoir. J'ai même écouté, regardé, observé. Mais rien. Rien : aucune clameur du monde, aucun visage étranger, aucune parole citadine ne m'a suffisamment retenue pour que je puisse le transformer en texte. Alors, au final, de retour chez moi, je reste devant mon ordinateur, muette, vide, sans mot, sans image, sans rien. Il ne me reste que cet effrayant constat : j'ai traversé le monde ces derniers jours sans parvenir à rien y récolter, sans rien en ramener. Le monde, les gens, la rue me sont restés étrangers et je n'ai rien retenu de leur fréquentation. Du coup, pas de regard extérieur. Pas de mise à jour. Il n'y a qu'un désir d'écrire qui se heurte à une impossibilité. Est-ce le monde qui ne m'a rien montré de lui-même ou bien est-ce moi qui n'ai pas su voir ?

A mes yeux, mes Regards extérieurs n'ont rien à voir avec mes Regards solitaires. Ces derniers viennent de moi, de mes états d'âme, de mes fluctuations d'humeurs et de désirs. Je suis la matière vivante de mes Regards solitaires. Je n'ai pas besoin d'ouvrir les yeux sur le monde pour écrire dans le journal de mes Regards solitaires : il suffit, bien au contraire, que je ferme les paupières et que je retourne en moi-même, histoire de voir si j'y suis. Ce n'est pas un simple désir qui commande mon écriture, mais une nécessité intérieure - une nécessité impérieuse : j'écris ce jour-là, ces mots-là, dans mon journal, simplement parce que je ne peux pas faire autrement et parce que j'ai besoin de mettre des paroles sur mon état d'âme pour parvenir à m'en re-saisir.

La démarche est toute autre pour les Regards extérieurs. Pour écrire, il me faut détourner les yeux de moi-même et reporter mon regard sur le monde autour de moi. Il me faut avoir suffisamment de distance vis-à-vis de mes sentiments pour ne plus les écouter, pour ne plus qu'ils viennent faire écran entre ce que je vois et ce que je sens. Pour écrire mes Regards extérieurs, je dois me détacher de moi-même, ne plus me recroqueviller sur mes émotions et laisser venir celles des autres. J'apprends à me déposséder de moi-même.

D'où ma question, à nouveau : pourquoi, parfois, malgré mon désir de voir, je ne vois rien ? pourquoi n'ai-je rien à écrire, comme si je n'avais rien vu ? Certainement n'ai-je pas su me libérer de moi-même. Je crois avoir regardé les gens, mais je n'ai vu que leur enveloppe extérieure. Je n'ai cherché à retrouver dans ces silhouettes étrangères que des parts de moi-même et de mon histoire. Je n'ai pas écouté, j'ai juste entendu.

Peut-être au fond y a-t-il deux sortes d'écriture, correspondant à deux postures morales : une écriture égoïste qui consiste à se refermer sur son ego pour en transcrire les mouvements secrets ; et une écriture généreuse qui ne peut se développer que si elle a fait taire les cris de l'écriture égoïste. Pour écrire les autres il faut, l'espace de quelques instants, avoir cessé de se chercher soi-même. Ce n'est pas si facile.

Regards extérieurs, c'est ici !

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