Dans le TGV de 17h05
Le train file à travers la campagne. Dans les champs, le blé est déjà mûr – du jaune, partout. Au bout de l'horizon, de gros nuages gris imitent des montagnes improbables dans ce paysage si plat. Il faut lever la tête pour voir le ciel bleu de l'autre côté de la vitre. C'est l'été, bien sûr. Mais je l'avais oublié.
Je suis dans le TGV Paris-Quimper de 17h05. Le train est plein à craquer, bourré de vacanciers qui ont poussé leurs valises fleuries ou leur sac à dos dans le wagon. Au bout du chemin ferré, il y a la mer, il y a la plage, il y a les grandes villas bretonnes. Il y a l'été comme une promesse. J'ai sorti de mon sac mon petit ordinateur rose, je l'ai posé sur mes genoux et je laisse courir mes doigts sur le clavier. Cette posture me ramène au Japon, lorsque j'écrivais mon voyage dans le shinkansen, retrouvant sur les touches de mon ordinateur les mots de la France pour traduire les émotions du pays lointain.
Par la fenêtre du train, le paysage défile. Et dans ma vie, c'est le temps qui défile . Vite, beaucoup trop vite. Si vite que parfois je n'arrive plus tout à fait à suivre.
Au bout du TGV de 17h05, c'est la mer, c'est l'été. Mais pas pour moi. Ma valise est noire, et non pas fleurie. Elle est si petite que je n'ai pas pu y glisser le gros ordinateur portable prêté par le bureau, les dossiers de réunion occupant déjà tout l'espace laissé libre par ma trousse de toilette réduite à l'essentiel et mon pyjama. Je ne pars pas en vacances, mais en déplacement professionnel. Ça fait sérieux, ça fait important. Oui, mais moi, en vrai, je préférerais partir en vacances. Avoir dans ma valise un maillot de bain et des chaussures de randonnée. Et non pas une pile de photocopies à distribuer.
Je repense à cet hiver où je trouvais la force de rester tard au bureau, le nez plongé dans les dossiers, en me disant qu'à l'été enfin je pourrai respirer. N'avoir presque plus rien à faire de mes journées, arriver tard au bureau et repartir tôt, profiter de la longue pause du midi pour préparer mes vacances. Mais voilà, c'est l'été et j'ai quasiment autant de travail que cet hiver. Une décision ministérielle précipitée, impensable il y a seulement quelques jours, et voici que me tombe dessus un livre à faire en toute urgence dans un délais inimaginable (un mois, au lieu des dix habituels). Mon collègue dit « nous voilà avec un sous-marin entre les mains ». Mais la vérité, c'est que c'est moi qui suis tout au-dessous de l'eau, prête à me noyer. Trop de stress, trop de précipitation, trop de travail. Comment fait-on pour garder la tête à la surface ?
Je suis fatiguée. Mais je serres les dents et j'attends. J'attends de pouvoir à nouveau respirer. J'attends de monter dans un train qui me mènera cette fois-ci vraiment tout au bord de la mer et non pas dans une salle de conférence.
15 avril 2009 - Dans le TGV japonais
(avec un monsieur japonais en train de dormir à mes côtés)Regards extérieurs, c'est ici !
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