Vendredi 18 avril 2014

Ça pousse

Il y a les petites pousses dans les arbres. Flambées verdoyantes jaillies comme par miracle. Un pissenlit cueilli dans les petites mains de la Sardine et oublié sur les escaliers qui mènent au jardin. « Maman, il n’y a plus de fleurs dans le jardin ! » Mais le lendemain, de petites fleurs jaunes sont réapparues au pied de l’hibiscus. Je me garde bien de dire que les pissenlits sont de mauvaises herbes. Qui, d’ailleurs, peut juger de ce qui est bon ou mauvais en matière de nature ? On cueille la fleur et on la fait tremper dans un verre Nutella qu’on oublie sur le rebord de la fenêtre. Une semaine après, la petite fleur est toujours là, fripée et molle, dans le verre asséché. « Maman, c’est ma fleur ! » La petite jardinière en herbe regarde ses misérables plantations : un pissenlit mort et un bulbe planté dans un pot en terre décoré à l’école. « Maman, quand elle va pousser ma plante ? » Un jour, un jour peut-être. La nature est tellement inattendue. Peut-être seras-tu surprise ma chérie. Et on continue de faire des expériences improbables. En faisant un crumble, on recueille les petits pépins des pommes et on les cache dans du coton mouillé. On oublie tout ça sur le buffet de la cuisine. « Maman, ça va pousser tu crois ? » Peut-être, peut-être… Mais ça commence à pourrir. Hop, discrètement, l’expérience de jardinage part à la poubelle. Et on regarde les petites graines achetées dans un magasin bio qui, elles, donnent de petites pousses blanchâtres. Tu as vu tes graines, ma Minette ? Tu voudras les planter dans la terre du jardin ? Sourire de fierté. Maman n’a pas la main verte. Mais ce n’est pas grave, « ça » pousse quand même. Herbes folles et indomptables : c’est le printemps qui vient danser sous la fenêtre et qui vient faire percer l’espérance. Peut-être que si on a envie très fort que ça pousse, ça poussera. J’ai envie d’y croire. J’ai envie que ma Sardine y croit aussi.

Le printemps est là et je me surprends à espérer à nouveau. A avoir envie. Envie très fort. Envie de créer, de faire exister, de voir pousser. Envie de faire ceci, et puis ça, et puis encore ça. (En vrac : écrire un roman, inventer une histoire pour enfant, dessiner, fabriquer une cabane, coudre de nouvelles housses pour les coussins du salon, assembler enfin la couverture Bai Jia Bei pour ma nouvelle née, accrocher les photos sur les murs de l’entrée, installer un atelier dans le sous-sol, dessiner les plans de notre future terrasse, écrire encore, envoyer des projets aux éditeurs et attendre fébrilement les réponses, avoir de la matière à espérer, prendre des pots en terrasse, refaire du sport et sentir le corps tendu dans l’effort, fabriquer une maison en légo avec la Sardine, installer enfin la chambre de la Crevette…) Envie, envie de tout ça. Putain, ça faisait tellement longtemps !

Alors je prends de bonnes résolutions. Je prends des papiers de brouillon et je fais des listes avec des petites cases à cocher. Objectif : trouver le temps. Non, pardon, objectif : prendre le temps. Voler le temps perdu, ruser, jongler. Oublier les nuits sans sommeil à bercer la petite Crevette insomniaque. Eteindre la télévision, même les soirs d’attaque de paresse. Laisser la Crevette jouer seule et la regarder d’un œil tandis que l’autre est occupé à finaliser ma « to-do-list ». Ne pas attendre demain et dire que demain c’est aujourd’hui.

Le jardin de notre nouvelle maison n’est qu’un vaste parterre de mousse. Mais y poussent des petites fleurs jaunes. Même si ma vie n’est qu’un vaste chantier encore en construction, peut-être arriveront à croître de jolis projets ?

 Regards extérieurs, c'est ici !

Introduisez votre adresse e-mail
pour être averti lorsqu'un nouveau Regard sera ouvert :
InscriptionDésinscription
 
Il y a un an.
Il y a deux ans.
Il y a trois ans.
Il y a quatre ans.
Il y a cinq ans.
Il y a six ans.
Il y a sept ans.
Il y a huit ans.
Il y a neuf ans.
Il y a dix ans.
Il y a onze ans.
Il y a treize ans.