Lundi 22 mai 2006 - Dans le métro, 9h05 |
Les deux chasseurs de fantômes et la fée
En quelques secondes à peine, une horde de gamins
criant a envahi le wagon qui, jusqu'à maintenant,
était calme et concentré. Les mômes ont quatre ou cinq
ans tout au plus. Ils ne sont pas nombreux - à peine
une dizaine. C'est fou la rapidité et l'intensité avec
lesquelles un si petit groupe a réussi à coloniser
l'espace sonore. Je me suis levée et j'ai fermée mon
livre pour accueillir la foule de petits sauvages. Ca
sent l'enfance dans le wagon : un doux parfum de BN au chocolat a recouvert l'odeur âcre du métro. |
Vendredi 19 mai 2006 - Dans la librairie "L'oeil écoute" (à Montparnasse), 20h15 |
Le tueur de la librairie
Je regarde les livres de poche au sous-sol de cette
célèbre librairie parisienne ouverte jusqu'à tard le
soir. Soudain, je lève la tête. Un jeune homme,
étrangement vêtu, portant un pantalon et une chemises
rouges bien trop grandes, parle fort au libraire.
"Je voudrais un livre qui parle d'un tueur !",
scande l'individu. "Un tueur, tu vois ce que je
veux dire ? Un truc avec du sang, des meurtres, tout ça
quoi ! Tu vois ?" L'homme s'est octroyé le droit
de tutoyer le libraire qu'il ne connaît pourtant pas.
Mais ils ont certainement à peu près le même âge et de
telles familiarités peuvent se justifier au sein d'une
même génération. Mais l'homme continue de parler fort
et répète toujours cette même phrase : "Je voudrais
un tueur !" Le libraire a l'air de prendre ça
plutôt à la rigolade, malgré son incompétence évidente
à répondre à l'attente de son client : "Je ne m'y
connais pas trop en romans policiers, vous savez...
Vous voulez une histoire vraie ?" L'homme n'en
démord pas : "Roman ou histoire vécue, je m'en fiche !
Ce que je veux, c'est un tueur !" L'homme ne
semble pas s'énerver, mais il parle toujours aussi
fort et ne cesse de répéter le même mot, comme une
obsession. Toujours dans son délire verbale, il ajoute
: "on dit qu'il y a un tueur qui se balade en
France... Tu en as entendu parler, non ?" |
Mercredi 17 mai 2006 - Dans la rue, vers 12h50 |
Michel et Cassandre Je marche sur le boulevard avec trois de mes collègues. On va à la cantine, comme tous les midis. Deux de mes collègues parlent ensemble d'un projet sur lequel je ne travaille pas. La troisième collègue est derrière nous, l'oreille scotchée à son portable. Tout d'un coup, je le vois : avec une chemise bleue foncée comme un bleu de travail, un petit air ironique sur les lèvres et son éternel visage ingrat. C'est lui : c'est Michel Houellebecq, pas de doute ! Il discute avec un inconnu qu'il connaît. Mais il n'y a pas de doute, c'est bien lui ! A peine quelques secondes et déjà je l'ai dépassé. Je me tourne vers mes collègues : "Vous avez vu qui c'était ? C'était Houellebecq !" Les deux collègues me regardent avec de grands yeux ronds (la troisième est toujours au téléphone) : "Ah bon ? Ben non, moi j'ai rien vu !" Je me sens toute minable. J'ai vu l'ex futur-prix-Goncourt et personne d'autre que moi ne l'a reconnu. Je suis en plein film de science-fiction : Cassandre, c'est moi. Personne ne me croit !
Le soir, au dîner, je raconte à O. ma fameuse
rencontre. Il hausse les épaules : "c'est qui
Houellebecq ? Ah !!!!!!!
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