J'essaie de me souvenir des jours de beau temps. Je n'y arrive pas. Il me semble que l'hiver dure depuis une éternité. Comment ça fait, déjà, le soleil sur la peau qui masse le creux du visage en venant la caresser avec la pointe de ses rayons ? Qu'est-ce que ça fait, déjà, de marcher en tee-shirt sur les chemins et de ne pas avoir à penser à mettre trois couches de pulls pour ne pas avoir froid ? A quoi ça ressemble, déjà, les jours sans pluie, sans brume, sans verglas ? Comment un hiver peut-il durer si longtemps, mon Dieu ! Oui, je me rappelle, maintenant... En Bretagne, il faisait beau. C'était un automne qui ne disait pas son nom et qui chantait l'été indien comme dans la chanson de Joe Dassin. Et puis après ? Après, il a fait gris presque tout le temps. Novembre dans le brouillard, je me souviens. Mais on s'en foutait. On sortait pas de ma chambre. Qu'importait qu'il fasse beau dehors ? Fin décembre, j'ai commencé à me dire "C'est dommage qu'on n'ait vu Amsterdam que sous la pluie". C'est vrai, c'était dommage quand même. En janvier, il y a eu la neige. C'est joli, la neige, mais si froid. Et puis c'est si triste lorsqu'elle se transforme en eau et qu'elle se met à couler le long des toits qui redeviennent gris.Aujourd'hui, c'est février. Ce matin, j'entendais la pluie qui cognait contre le vélux. Il dormait. Hannah dormait. J'étais seule à entendre la pluie taper au carreau, comme si elle voulait entrer dans la chambre pour nous déranger. Toute la journée, il a fait gris. Je comptais les mois : février, à rayer du calendrier, car ce sera encore un mois froid et sans espoir... mars, déjà, un petit peu plus de ciel bleu à l'horizon, avec suspendu au bout un "peut-être"... et puis avril, enfin, avec ses pommiers en fleurs... mais surtout, mince, comme j'ai envie déjà d'être en mai et de voir le soleil comme une certitude !
J'ai traîné cette humeur bougonne que je déteste en moi toute la journée. J'étais un petit peu énervée, un petit peu désagréable même, aussi. Je ne saurais dire pourquoi. J'ai mis ça sur le compte du mauvais temps dehors. C'est ce satané hiver qui est responsable, me suis-je persuadée, en réussissant à dissimuler mes états d'âme descendants. Il a bon dos, l'hiver. C'est de sa faute si je n'arrive pas à croire aux projets d'été, parce que le soleil est si loin que j'en ai oublié la saveur. C'est de sa faute si je ne suis jamais suffisamment contente et si je ne suis pas totalement joyeuse. C'est de sa faute si je piétine dans des mois ennuyeux où la nuit est plus présente que le jour.
Je ne suis pas triste. Non, je ne suis pas un ciel blanc et sec de février. Je ne veux pas que mon humeur prenne la couleur du ciel. Il n'est pas question que je devienne esclave de la météo. On va donc dire que, certes, il pleut dehors, mais qu'à l'intérieur, c'est le soleil qui resplendit. Et tant pis si ce n'est que dans la chambre.