Ce journal existe depuis avril-mai 1999, c'est-à-dire depuis plus de quatre ans. Depuis sa naissance, il a changé une fois de titre, ayant perdu en route un de ses auteurs, mais c'est peut-être là le seul bouleversement conséquent qu'il ait connu. Il n'y a eu que deux ou trois mises en page différentes et je n'ai pas changé d'hébergement (par contre Multimania, si, loi de la concurrence internautique oblige). En réfléchissant sur la régularité de mon écriture dans ce journal et la constance des relations que j'entretiens avec lui, j'ai été surprise de constater qu'on ne retrouvait pas cette continuité dans ma vie "réelle" (celle de mon véritable état civil). Au fond, il semble que ce journal soit le socle solide sur lequel est bâtie ma vie : c'est parce que son existence est assurée et est accompagnée d'une certaine dose de certitude que je peux appréhender avec moins d'inquiétude les changements auxquels je dois faire face dans ma vie. En soi l'expression "la vie suit son cours" ne veut rien dire : la vie n'a pas de chemin, pas de direction, pas d'avancée consciente et sensée. Mais l'écriture, justement, donne un cours à cette vie qui part dans tous les sens.Ce week-end, je m'apprête à déménager... encore une fois. Je vais entrer dans un nouveau "chez moi" - ou plutôt "chez nous", devrais-je dire, même si j'ai encore du mal à me faire à cette formule. Si je dis que mon journal bouge moins que ma vie, c'est que ce sera là le troisième déménagement que je ferai depuis les quatre années d'existence de ce journal. J'ai déménagé plus souvent que mon site internet ! Et encore, je ne compte pas les déménagements disons intermédiaires où, comme cet été, je suis revenue chez mes parents, avec tous mes meubles, mes paquets de livres et mon chat, en attendant de trouver un nouveau logement. C'est avec une certaine lassitude que j'appréhende ce nouveau déménagement. Toujours la même routine, mais toujours aussi le même stress : la location de la camionnette, les cartons d'emballage à remplir et à scotcher, les escaliers infinis à monter, à descendre, le déballage des affaires qui mettent le désordre partout... Et toujours les mêmes affaires, mais dans des lieux différents. Le papier peint change, les meubles et les tableaux sont à peu près identiques - seul leur nombre croît de façon exponentielle.
Je pensais à tout cela hier soir que je ne pouvais pas dormir. Je me faisais dans ma tête le récapitulatif de tous mes précédents logements - ceux concomitants à l'existence de ce journal (ce serait trop long de remonter avant). Voilà à peu près ce que cela donne...
Habitation n°1
Lieu : un quartier plutôt chic de Paris (et chic version branchée).
Surface : 20 m²
Etage : 4ème sans ascenseur
Locataires : Moi, Friedrich II le poisson rouge.
Nombre de bibliothèque(s) : une.
Durée d'occupation des lieux : 2 ans
Etat des lieux moral : Plaisir d'être au coeur de Paris, ville dont je suis amoureuse, et joie de faire des études qui me plaisent et qui me font toujours connaître de nouveaux textes, de nouvelles pensées. Mais en même temps, sur la fin, ras-le-bol général devant cinq ans de ma vie passés à préparer des concours et envie, malgré une angoisse extrêmement profonde, de découvrir autre chose.
Habitation n°2
Lieu : une petite ville de province avec un fleuve et une cathédrale (Evaville).
Surface : 35 m² sous les toits
Etage : 3ème sans ascenseur dans un vieux escalier en colimaçon
Locataires : Moi, Friedrich II le poisson rouge pour les derniers mois de sa vie (triste mort en pleine fleur de l'âge), et quelques mois après mon arrivée Hannah.
Nombre de bibliothèque(s) : deux.
Durée d'occupation des lieux : 3 ans
Etat des lieux moral : Au début, pleins de sentiments mêlés à la découverte de mon nouveau travail : enthousiasme, espoir, peur, désillusion, grande fatigue. Mais après mon année de formation, ennui croissant et solitude récurrente.Habitation n°3
Lieu : une toute petite ville de province loin de tout où je ne voulais surtout pas aller (Veupasyalléville).
Surface : 80 m² - quatre grandes pièces, du parquet, une cheminée, une belle baignoire... le rêve
Etage : 2ème sans ascenseur
Locataires : Kolok, moi, Hannah, et O. les week-end.
Nombre de bibliothèque(s) : trois... ça se multiplie les bouquins !
Durée d'occupation des lieux : 10 mois
Etat des lieux moral : Gros éclats de rire à deux, entre filles, devant les émissions les plus minables de la télé ou les expériences culinaires les plus intrépides et, en somme, une belle colocation amicale. Parallèlement rencontre de la personne qui prend le plus de place aujourd'hui dans ma vie. Vraie remise en cause professionnelle.
Habitation n°4
Lieu : une ville de banlieue parisienne, un peu grise, un peu triste.
Surface : 42 m² (ouais, passer de 80 à 42 m² c'est trop rude...)
Etage : 3ème sans ascenseur
Locataires : O., moi, Hannah.
Nombre de bibliothèque(s) : quatre ? cinq ? (Mon Dieu, où vais-je mettre tous les bouquins ramenés de mon job de cet été ?).
Durée d'occupation des lieux : ????
Etat des lieux moral : Grande hâte de pouvoir enfin vivre ensemble dans un lieu rien qu'à nous pour ne plus seulement avoir à se voir en vitesse le temps d'un week-end ou bien en catimini chez nos parents. Mais aussi peur latente de ne pas réussir cette nouvelle vie à deux, de ne pas savoir gérer intimité et indépendance.